Pour la création de collectifs autonomes universitaires Appel aux étudiants et professeurs

Article mis en ligne le 17 février 2021
par F.G.

■ Nous avons reçu par divers canaux cet appel émanant du Groupe Grothendieck qui circule sur divers sites. Il nous a semblé assez intéressant pour être repris dans notre rubrique « En lisière ». Il est rare, en effet, depuis quelques temps, de lire, venant d’un milieu étudiant dont la misère est infiniment plus vaste que celle décrite admirablement dans une brochure situationniste de 1966, un texte d’analyse aussi percutant sur le fond, et n’excluant pas, sur la forme, l’attirante hypothèse d’après-crise d’« un petit mouvement de derrière les fagots qui pourrait allier le Jaune des classes paupérisées au Noir de la petite bourgeoisie rageuse ». En l’attendant, nos lecteurs apprécieront comme nous, supposons-nous, le souffle qui émane de cet écrit, les pistes qu’il ouvre et les références qu’il se réapproprie.– À contretemps.




« Amis ! Quittez au plus vite ce monde condamné à la destruction. Quittez ces universités, ces académies, ces écoles dont on vous chasse maintenant, et dans lesquelles on n’a jamais cherché qu’à vous séparer du peuple. Allez dans le peuple. Là doit être votre carrière, votre vie, votre science. […] Et rappelez-vous bien, frères, que la jeunesse lettrée ne doit être ni le maître, ni le protecteur, ni le bienfaiteur, ni le dictateur du peuple, mais seulement l’accoucheur de son émancipation spontanée, l’unisseur et l’organisateur des efforts et de toutes les forces populaires. Ne vous souciez pas en ce moment de la science au nom de laquelle on voudrait vous lier, vous châtier. Cette science officielle doit périr avec le monde qu’elle exprime et qu’elle sert ; et à sa place, une science nouvelle, rationnelle et vivante, surgira, après la victoire du peuple, des profondeurs mêmes de la vie populaire déchaînée. »
Mikhaïl Bakounine, « Quelques paroles à mes jeunes frères en Russie » (mai 1869, in : Le socialisme libertaire, Denoël, 1972, pp. 210-211).

« Survivre, mouvement ouvert à tous, se veut un instrument pour la lutte en commun des scientifiques avec les masses, pour notre survie […] Il semble que Survivre soit le premier effort systématique fait pour rapprocher, dans un combat commun, les scientifiques des couches les plus variées de la population. »
Marc Atteia, Alexandre Grothendieck, Daniel Lautié, Jérôme Manuceau, Michel Mendès-France et Patrick Wucher, extrait de « Pourquoi encore un autre mouvement », in : Survivre, n° 2/3 septembre-octobre 1970.


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CONSIDÉRANT l’hégémonie prise par la techno-science dans l’ensemble de la société industrielle dans les domaines du savoir/pouvoir et sa fâcheuse tendance à développer des applications technologiques mortifères (modification du vivant, nanotechnologies, ville intelligente, smart-bidule, nucléaire, etc.) et des dispositifs politiques de contrôle/contrainte (reconnaissances faciales, drones, fichage généralisé, etc.)

CONSIDÉRANT que c’est au sein de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR), dans les universités, les écoles d’ingénieurs, les instituts de recherche comme le CEA et le CNRS, qu’est née et se développe actuellement cette techno-science.

CONSIDÉRANT alors la responsabilité des chercheurs, professeurs et ingénieurs ainsi que des experts, techniciens et cadres administratifs dans cette avalanche de désastre technoscientifique.

CONSIDÉRANT que, depuis la fin des années 70 et la restructuration de l’économie capitaliste vers le « pouvoir dormant du savoir scientifique » (General Intellect), la techno-science en tant que cadre de pensée et de production du savoir est intriquée de fait au capitalisme dans une structure triangulaire (science-industrie-armée), et qu’il convient alors de parler de « techno-capitalisme ».

CONSIDÉRANT ce qu’il faut bien appeler à partir des années 90 une « révolution informatique » dans la production capitaliste, puis dans la production de la vie quotidienne réifiée. Et, CONSIDÉRANT que cette « révolution » est l’un des domaines-socles de la techno-science.

CONSIDÉRANT le virage techno-totalitaire des États du capitalisme de sommet (Chine, USA, Europe) ces cinq dernières années comme matérialisation concrète et politique d’un des sous-domaines de la techno-science : la cybernétique. Et, CONSIDÉRANT que les « régimes d’exceptions » institutionnalisés et imposés successivement ne sont réalisables qu’à l’aide de cette science.

CONSIDÉRANT la politique opportuniste médiatico-virale ou médiatico-terroriste de l’État pour imposer dans un laps de temps long, des privations de liberté, permettant de dissoudre les foyers de contestations des classes intermédiaires et pauvres tout en ayant le rôle du « sauveur ».

Enfin CONSIDÉRANT la fermeture totale des universités comme résultante de cette politique antisubversive (les prépas, le Secondaire et les Grandes Écoles restant ouvertes).

Nous lançons un APPEL À LA FORMATION, DANS LES UNIVERSITÉS ET EN LEURS POURTOURS, DE COLLECTIFS COMBATIFS ET AUTONOMES DES INSTANCES UNIVERSITAIRES, à vocation d’émancipation, de critique sociale et d’organisation sur le long-terme.

Ceci étant dit, voici quelques propositions donnant corps à l’appel.

PROPOSITIONS

I. Croyez-vous que les nouveaux déserts silencieux et bétonnés, places fortes des « humanités numériques » et du suicide en vie digitale, nommés encore abusivement « Universités », puissent un jour redevenir des foyers de contestation, vivante et révolutionnaire ?

Nous vivons paradoxalement une séquence historique à ne pas manquer pour qui souhaite revoir fleurir des foyers de contestations radicales et de pensées critiques chez la petite bourgeoisie universitaire. En effet, sans être nostalgiques du mai de l’année 1968 ou de la séquence de révolte étudiante entre 2006-2010, mais en envisageant froidement et structurellement ces espaces où la jeunesse-qui-a-le-temps-et-les-moyens réfléchit à sa condition et à la société qui la produit, les universités pourraient rapidement devenir des lieux remettant en cause l’ordre qu’elles génèrent.

II. On pourrait penser que le gouvernement Macron a fait ce que tout bon anarchiste souhaiterait réaliser : fermer ce haut lieu de « la reproduction sociale des élites » qu’est l’Université. Cette vision, du reste assez périmée, relève d’une grande méprise : nonobstant son rôle mineur pour la formation des élites (prenez plutôt l’ENA, l’X, l’ENS, l’HEC… et Science Po Paris à la rigueur, si vous voulez voir des élites), la fermeture complète des facs en plein mouvement combo en mars 2020 (réforme des retraites & LPPR) n’est absolument pas la fin de l’Université. Cette période signe plutôt l’achèvement de sa mutation profonde. La stratégie gouvernementale française, suivant les processus néolibéraux européens amorcés en 2002 par la normalisation des diplômes (système LMD et ECTS), est la mise en place de l’Université-entreprise comme « grande marque », capable de vendre et de se faire vendre à l’export. Une université concurrentielle pratiquant le toyotisme (pas de stockage d’étudiants), le numérique en plus.

Le « processus de Bologne » permet à la France de finir le travail de sape de normalisation de « l’usine automatisée à cerveaux » amorcé dans les années 60-70 par le pouvoir gaulliste-pompidoliste (notamment avec le principe d’autonomisation évoqué au colloque de Caen en 1966, la Loi Faure en 1968 et l’apparition du DEUG en 1973, ainsi que la création, à cette époque, des IUT, DUT, BTS). Cette refonte globale, basée sur le modèle des facs américaines, s’agrémente aujourd’hui d’un management tout bruxellois. Le modèle de l’Université Nouvelle ne doit plus s’embarrasser des étudiants « surnuméraires », de celles et ceux venus sur les vertes pelouses du Savoir pour goûter aux délices du questionnement philosophique ou pour s’initier aux rudes catégories de la sociologie politique avant de finir dans une fin de parcours de psycho (et potentiellement, le cas échéant, sur une ZAD ou dans un squat). Efficacité, sélection et transfert des cerveaux, pardon « recrutement sur le marché du travail », sont les maîtres mots, dans un flux tendu où il ne s’agit plus de passer son DEUG en 4 ans et sa thèse en 6 ! Pas besoin ici de retracer la séquence complète de la néo-libéralisation de l’ESR, d’autres textes le font très bien (voir les matériaux en fin de texte).

Ce qui est important de noter toutefois, c’est que cette dernière phase de modernisation que l’on observe depuis une décennie, est un double mouvement de digitalisation radicale (1) de l’Enseignement Supérieur (notamment avec le programme France Universités Numériques) permettant une précarisation immédiate des salariés et une future réduction drastique de la masse salariale (le confinement des universitaires est une fenêtre de tir inouïe pour parfaire cette stratégie). En même temps cette phase est la structuration finale de ce que les technocrates nomment le New Public Management (2) : un réaménagement total des instances universitaires, leurs rapprochements des marchés et des industries permettant de nouvelles sources de financements (fondations, partenariats-public-privé, masters privés) et une fluidité des capitaux, la fusion-concentration des directions, la formation de pôles spécifiques de recherche via les emprunts IDEX I et IDEX II, et leur mise en compétition. Cette phase de digitalisation/concentration (1) + (2), permet de diluer le nouveau « principe d’université » (si cher à Plínio Prado) fondamentalement technocratique dans sa forme et technoscientifique dans son fond, dans tout le Réseau Technologique global (à la fois l’internet et le « Market Place ») : ainsi va de la « déterritorialisation » de l’enseignement via les annexes pauvres des facs, disséminées en villes moyennes mais sous tutorat des grands pôles, et du télétravail, pardon « distanciel », comme but ultime de l’apprentissage ; ainsi va de la fin annoncée des UFR ; ainsi va de la fin des livres et des BU ; ainsi va de la fin de ce service public remplacé comme tous les autres par des annexes du Grand Serveur qu’est « l’État-réseau » (Temps critiques) avec ses terminaux de PC conviviaux… Il faut voir cette restructuration de l’ESR comme une guerre. Une guerre commerciale, rien à voir avec celle des tranchées, statique et déclarée mais plutôt comme une guerre froide où par exemple les nanotechnologies grenobloises de Minatec doivent battre les nanos de Palo Alto, avec l’aide d’un brevet indien ; où la robotique toulousaine du LAAS, alliée à tel géant de l’aéronautique, doit surpasser la robotique de tel institut chinois, etc.

Cette mutation des universités n’a rien d’étonnant pour qui s’intéresse de près aux mutations à l’œuvre dans l’ensemble des pays du sommet capitaliste, ce que Temps critiques nomme « société capitalisée » (État-réseaux, fluidité des infrastructures capitalistes grâce à l’outil informatique, globalisation des rapports de production…). Pour les séides de cette « révolution du capital », il était urgent de mettre les bouchées doubles sur les universités qui accusaient un retard « réactionnaire » par rapport aux autres structures d’enseignement vues comme modèles de formation à la française (Grandes Écoles, Polytech, prépas). Il faut dire qu’il y reste encore des foyers de contestation en sociologie, en histoire et en philosophie, où la séparation n’est pas encore bien aboutie et où l’on a pu voir des étudiants mettre en pratique sur des barricades et dans des occup’, les leçons apprises la veille. Gageons que le « distanciel », imposant de fait la séparation avec la vie réelle, finira le sale boulot.

III. En éclaircissant ce que ce « libéralisme autoritaire » (Chamayou) produit sur les universités, il est à remarquer deux types de mutations complémentaires : une mutation économique issue des directives néolibérales européennes et un accroissement fulgurant du sécuritaire-universitaire, c’est-à-dire une pensée politique de l’« anti-subversion ».

Sans y voir un calque à une échelle plus petite des modèles de contre-insurrection visant à imposer le « marché-libre » en Amérique latine, ce que Naomi Klein nomme « stratégie du choc » mais que les militaires de l’époque nommaient « doctrine de la sécurité nationale », les doublets macronistes lois néolibérales/lois sécuritaires en période de guerre sanitaire en ont tout de même l’accent. L’augmentation de la puissance policière de notre « sécurité globale » et la judiciarisation à outrance des formes radicales de confrontation en plein état d’urgence, n’est pas fortuit (même si le cheval de Troie de la LPPR sur la criminalisation des perturbations de CA de fac et des occup’ n’est pas passé, l’intention est là, et ce type de mesures passera tôt ou tard si rien n’est fait). Un certain opportunisme guide nos dirigeants qui craignent de voir poindre un petit mouvement de derrière les fagots qui pourrait allier le Jaune des classes paupérisées au Noir de la petite bourgeoisie rageuse, qui sait ?

Cette montée aiguë du sécuritaire fait suite, dans les facs, à une augmentation constante du sécuritaire universitaire depuis plus d’une dizaine d’années : annulation de la fameuse « franchise universitaire » et entrée massive des flics dans les facs, vigiles en nombre, caméras et sas de détection, biométrie, fermetures administratives préventives, judiciarisation des actions étudiantes, attaques des syndicats étudiants et des collectifs autonomes, etc.

Ces mesures sont à mettre en parallèle de la complète ouverture des universités aux marchés : loi d’homogénéisation européenne (LMD, 2004), mise en place des appels à projets pour la recherche publique (ANR, 2005), loi de concentration et de concurrence des pôles universitaires (LRU, examinée « à la hussarde » à l’été 2008, et c’est une première à l’époque), loi de dérégulation du marché du travail (loi Travail 2016, resucée du CPE), loi de sélection, vieux rêve gaulliste (Parcours Sup, 2018) et loi managériale (LPPR, 2020). Ce double volet, maintenant assez classique en politique capitaliste, permet d’enserrer de plus en plus la jeunesse qui y étudie dans des nœuds économico-répressifs ultra tenus, sans possibilité de sortie du cadre, ni de se rebeller, la précarisation en plus.

III bis. Se surajoute à la solution « chocale » (état d’urgence) et brutale (sécurité globale), la tactique rampante de l’école néolibérale britannique des « micropolitics ». Pas celles des intellos deleuziens, non, l’expression est reprise aux philosophes français par l’économiste écossais Madsen Pirie et son groupe de Saint Andrews, comme une série de méthodes « douces » visant à « […] générer des circonstances dans lesquelles les individus seront motivés à préférer et à embrasser l’alternative de l’offre privée, et dans laquelle les gens prendront individuellement et volontairement des décisions dont l’effet cumulatif sera de faire advenir l’état de chose désiré » (Dismanting the State : The Theory and Practice of Privatisation, traduit par Grégoire Chamayou dans La Société ingouvernable, 2019).

On se doute bien qu’ici le but recherché n’est pas la Commune libre, mais plutôt une sorte de dystopie orwellienne libérale où dans celle-ci, a contrario des dictatures classiques, ce n’est pas la liberté et l’autonomie politique en tant que telles qui sont attaquées et dissoutes, mais les cadres de légitimité et de mise en place où celles-ci s’exercent. Par un jeu de grignotage de certains verrous législatifs, coutumiers, et moraux, grignotages vus comme « bataille-cliquet » (école autrichienne ultra-libérale Hayek, Higgs) subrepticement gagnés et propres à chaque « secteur » de l’activité humaine, se réalise le remplissage des énergies dissolvantes du capital dans toutes les stances de la vie quotidienne. Toute remise en question a posteriori est jugée vaine puisque « irréaliste » et « plus d’actualité ». De plus en plus de nouveaux choix, dans le monde de l’entreprise ou de la vie quotidienne, sont plébiscités comme « nouvelles libertés » alors qu’ils sont la dissolution parfaite du choix politique dans le régime de la consommation-citoyenneté. Pour exemple de cette « technologie politique », on peut citer les nouveaux régimes de retraites où le choix est laissé individuellement au travailleur de partir avant le nouvel âge légal et de cotiser dans des fonds de pension s’il souhaite toucher plus d’argent. À l’université, les micropolitics se traduisent par exemple dans le faux choix entre « des formations d’excellences favorisant l’interdisciplinarité et les pédagogies innovantes » (pub de l’UGA) et les filières massacrées des anciennes humanités non récupérables pour le capital (latin, grec…). Ou bien encore on peut citer la promotion de « l’autonomie » des facultés (LRU) alors que, depuis 20 ans, le processus de Bologne pousse à l’inverse.

IV. Cet achèvement époqual est aussi, comme toute mutation structurelle, un moment de fragilité du statu quo démocratique et donc, un moment délicat pour les structures politico-économiques. En reprenant la métaphore de l’insecte chère à l’économiste libéral Walter Rostow évoquant les mutations économico-politiques d’ampleur des sociétés capitalisées, c’est au moment des « mues », quand toute l’énergie est dirigée vers le changement de forme, que l’organisme est le plus vulnérable.

En ce qui concerne le monde universitaire, la jeunesse-qui-s’oublie dans ces clapiers de 9 m2 ou rentrée chez papa-maman pour télétravailler, en tout cas seule devant un écran, peut maintenant prendre le temps de se poser les questions métaphysiques du sens de la vie et des études. Elle bouillonne ! Elle fulmine, cette jeunesse, à tourner en rond dans sa cage écranique en attendant que ses lieux d’étude – nonobstant qu’ils sont aussi ses lieux de socialisation – ne rouvrent ! Et si ça tarde trop le gouvernement sera content de leur trouver d’autres occupations forcément « éthiques » et « solidaires » en « servant la France » par exemple dans des travaux forcés dits « d’intérêt général » (allez nettoyer notre merde sur les plages ou ailleurs, ça vous passera l’envie de vous rebeller !) Ou alors le gouvernement tente le coup en traître de l’endormissement à peu de frais. Le genre de promesses mesquines des quelques miettes pécuniaires de la « revalorisation du pouvoir d’achat », des bourses, etc., et dont cette saloperie condescendante du 1 € la soupe au RU est le summum… Espérons juste qu’après tout cela la petite pilule bleu (#Youtube,#Netflix) n’achève pas l’élan vital.

« Lasciate ogni autonomia voi che entrate ! »

Mais la Puissance, prise de cours et mettant toute l’énergie dans sa « mue » (les câbles et les antennes à relier, les programmes à formater, les failles du consensus à reboucher, etc.), la jeunesse dispose encore de quelques marges de manœuvre avant que son énergie soit pokeballisée de nouveau : voyez, les manifs qui reprennent de plus belle, avec les soirées interlopes et les free party, ces mouvements se mélangeant allègrement dans des lieux impromptus − parcs, hangars, terrains vagues −, sortes de « trous positifs » (Bureau d’urbanisme unitaire) où la négativité d’un rejet total de la société (se terminant souvent par de la confrontation avec les forces de l’ordre) voisine avec des pratiques créatrices : cantines populaires et vins chauds, spectacles de feu, pantomimes, clowneries, tracts, affiches, banderoles. Et là aussi les questionnements et les débats vont bon train concernant le sens à donner à cette vie qui reste confinée aux exigences économiques. La vitalité ensauvagée de la jeunesse ne peut se laisser cloisonner, et les failles sont encore nombreuses où, face à ce mur sanitaire, les élans des lycéens, étudiants et précaires débordent les assommantes punitions de papa-État.

Les technocrates n’ont bien sûr pas que ça à faire ! Rivés devant les courbes et les paroles d’experts (le pouvoir décomposé qui se fige dans ses propres prérogatives économiques et électoralistes), ils mènent le combat historique face aux virus et surtout face à l’opinion publique. Et pendant que les flics désespèrent dans leur rôle de pervenches sanitaires (en attendant la création de « brigades sanitaires citoyennes » sur le modèle des voisins vigilants), il y a tout un monde en ébullition qui trépigne sous le masque civique du « sanitairement correct ». La société virale a beau être devant nous, les convulsions historiques ne sont pas prêtes (encore) de s’arrêter.

V. Et c’est là que la question de la reprise en main des vies cloisonnées croise la critique acerbe de notre monde hautement technifié. Cela fait des années que certains collectifs crient au loup à tout-va à chaque saut technologique et sécuritaire. Sur ce, la mise en branle de collectifs et associations comme la Quadrature du Net ou Écran Total et la mise en mouvement d’idées technocritiques dans des manifs et des actions aussi diverses que contre les compteurs communicants ou le puçage des animaux, l’informatisation des bibliothèques et des CAF, permet un changement de paradigme dans la contestation vieillie portant sur « les moyens de production ».

L’art de la critique reprend de la vigueur dans de nombreux collectifs se permettant au passage d’éditer textes, brochures, tribunes et livres. Sans compter la critique en actes, sabotages populaires de symboles de la technocratie (antennes, transformateurs, véhicules…) qui ponctue, çà et là, le quotidien morose du citoyen propre et connectée, de quelques « coupures » salutaires lui rappelant ainsi la fragilité du Progrès dignement acquis.

C’est au croisement de toutes ces énergies aux potentialités révolutionnaires nouvelles, dans un vide tellurique, qu’il est opportun de créer des contre-lieux à l’université et ailleurs, où puissent s’y retrouver (et s’y perdre) cette vitalité.

VI. Dans cette période-bascule, qui projette l’entièreté des relations humaines vers les fils canoniques du réseau technologique, l’ouverture de lieux pirates, où le lien réel peut se faire librement, devient la plus haute des subversions. Qu’ils restent cachés à l’abri des regards ou magistralement exposés comme acte d’autonomie politique (voyez cette prof de philo à Rennes qui donne des cours magistraux « interdits »), ces espaces-temps hors des temporalités virales du negotium contemporain (confinement/couvre-feux/état d’urgence/boulot/métro/chimio) sont des bases où les énergies subversives peuvent se rallier et se choyer. C’est avant tout ce genre d’initiatives qu’il s’agit maintenant de renforcer ou de recréer de toute pièce, à l’intérieur des facs et sur leurs pourtours. Maintenant qu’il n’y a plus rien, c’est le moment opportun de tout faire !

Un local associatif moribond ? Un amphi sinistre ? Une salle de TD dont on détient la clé ? Un hangar désaffecté ? Même un banc abrité… De la plus petite faille dans les murs du consensus, où l’on puisse se nicher à plusieurs, quelque chose de neuf, quelque chose de l’ordre de la décence humaine, peut reprendre vie et s’épandre. Sans mensonge ni tactique partisane, il y sera salutaire d’y faire naître quelques idées nobles, ici exposées sous forme de mots-clés, aux champs interprétatifs ouverts, afin que ni les puissants, ni la propagande, ni la scélératesse vision-du-monde-actuelle (Weltanschauung), n’y puissent dominer, et ceci faisant, à l’occasion de rencontres, y faire mûrir des luttes, dans de multiples, divers et non linéaires directions. Et sache, fantôme étudiant, qu’il existe tout un inter-monde, entre la froidure de tes amphis serviles et la chaleur bientôt suffocante des Data Centers qui remplissent en ce moment les écrans de ta vie, maintenant si souvent connectée.

CRITIQUE RADICALE. La pensée critique n’est pas une sorte de posture de l’esprit, de méfiance et d’arrogance qu’il s’agirait de faire advenir dans la tête de l’étudiant et celles de ses coturnes. C’est avant tout des méthodes et techniques théoriques et pratiques qu’il faut transmettre et (ré)apprendre à se servir (enquêtes critiques, dialectique, historicisation, curiosité et précision dans la théorie, matérialisme radical, démystification, irrévérence envers les lieux communs, les doxas et le politiquement correct, retour incessant entre la théorie et la pratique, critique en acte, confrontation, dialogue véritable et langage nouveau) « Et critiquer (avant de connoter quelque chose de négatif, le reproche ou le blâme), c’est d’abord cela : examiner, trier, nuancer (gr. tekhnè diakritikè : l’art de distinguer), passer au crible fin, en toute indépendance, telle ou telle opinion ou proposition ; rechercher les présuppositions qui s’y trouvent impliquées, y discerner ce qu’elle a de nécessaire ou légitime et ce qu’elle a d’arbitraire » (Plínio Prado, Le Principe d’université, pp. 14-15).

OUVERTURE. Ce genre de lieu, pour ne pas péricliter, doit faire preuve de la plus grande ouverture possible. Dans un double mouvement d’enrichissement d’énergies les plus diverses possibles et de reflux vers d’autres sphères non universitaires, cette respiration est un gage que la critique se surpasse en permanence. Cependant que l’ouverture ne signifie pas naïveté politique, à bon entendeur…

COMMUNICATION. « La question de la communication d’une théorie en formation aux courants radicaux eux-mêmes en formation (communication qui ne saurait être unilatérale) tient à la fois de “l’expérience politique” (l’organisation, la répression) et de l’expression formelle du langage (de la critique du dictionnaire à l’emploi du livre, du tract, d’une revue, du cinéma, et de la parole dans la vie quotidienne) » (extrait du « Rapport de Guy Debord à la VIIe Conférence de l’I.S. à Paris », juillet 1966.)

ACTION. Il est peut-être d’une évidence toute folle aujourd’hui, dans cette ère de la passivité généralisée et de la mise en avant du « symbolique », de souligner que la critique n’est pas seulement la distinction des choses et le dévoilement de leur interrelation, mais bien plus leur combat dans ce qui paraît être la mise en acte d’une théorie, sa concrétion. Ainsi toute critique véritable contient en elle le sens de la négation.

ACRATIE. Critiquer le pouvoir comme sujet abstrait ne suffit pas. Il est nécessaire, pour que ces lieux ne dépérissent pas en groupuscules ultragauchistes ou en vitrine subversive de l’institution (cf. Vincennes), qu’ils s’inscrivent dans le dénuement de puissance. En se mettant dans une optique de ne pas chercher les rapports de pouvoir (pas de hiérarchie, pas d’individualisation des tâches, pas de grosses structures et de financements conséquents), une attention particulière de tous les instants sera portée sur les savoirs/pouvoirs, concentrés et diffus, présents en ces lieux. Sur cette base, tout ce qui s’organise doit le plus possible négliger les fonctions et le fonctionnalisme, les spécialités, les rôles d’experts et dynamiser les formes tournantes de pratiques organisationnelles et politiques en intégrant de manière simple (cf. OUVERTURE) les personnes qui ne sont pas du milieu universitaire.

AUTONOMIE. Il peut être important de souligner que c’est dans ce haut lieu aliénant, tant pour ses travailleurs que pour ces clients-usagers, qu’est l’Université moderne (et nonobstant sa production des moyens de l’aliénation) qu’il est primordial de développer l’autonomie comme le sens aigu d’auto-formation de ses propres bases politiques et matérielles. Là est le socle de ce qui peut renverser radicalement le rapport d’exploitation et de domination. Et cela ne peut advenir que par des mouvements réels et combatifs de personnes se sentant en lien et formant des fronts de lutte ouverts. Ceci rejoint les points sus-cités.

AMITIÉ. Si les sociologues ont inventé le « lien social » afin de l’étudier, il convient de ne rien inventer du tout et d’imaginer nos rencontres futures comme de potentielles amitiés fécondes.

VII. Au point où nous en sommes, il convient de ne pas oublier une chose importante : si la techno-science et ses thuriféraires sont nos ennemis déclarés, le but final de ces énergies que nous appelons à voir revenir dans les universités ne peut être voué à retomber dans les mêmes travers d’efficacité et de réification de l’homme que la techno-science propose. Bien au contraire, l’absence de visée, c’est-à-dire l’absence d’efficacité gestionnaire et technique pour une supposée délirante « augmentation de la puissance » (qui signifierait un surcroît dans la gouvernance autoritaire) ou encore pire d’ « empouvoirement » (qui signifierait au final, qu’on le veuille ou non, un surcroît de pouvoir, c’est-à-dire, dans le monde technifié, une amplification de la domination par des machines et des « technologies politiques »), doit être au centre des attentions. Sans parler de récupération (abordée dans la proposition suivante), il faut se méfier des opportunistes et de la pensée mesquine entrepreneuriale, pressante aux encolures dans le milieu universitaire : aérosol macroniste imbibant l’air de notre temps, d’acquisition de « compétences », de « skills » et de « plans de carrière ».

Cette pensée ne date pas de Jupiter et est l’une des marques de fabrique de la petite-bourgeoisie intellectuelle, cette couche sociale des petits agents spécialisés dans les divers emplois de ces « services » dont le système productif actuel a si impérieusement besoin : gestion, contrôle, entretien, recherche, enseignement, propagande, amusement et pseudo-critique. Au sein de la machine, cette classe a pour fonction la « reproduction » du capital via la maintenance et l’amélioration de la technostructure. Et ce sont pendant les moments de « flottement » de la machine, quand le programme central reboot et où les élans de jeunes étudiantes et étudiants encore non totalement encadrés, encastrés dans cette couche, parviennent à s’unir collectivement, qu’il peut se passer des choses intéressantes.

Et en même temps, il faudra en permanence se méfier de nous-mêmes (autocritique) dans la tendance à l’utilisation du savoir dans la société technique et gestionnaire qu’est la nôtre, c’est-à-dire sa transformation consubstantielle en pouvoir. L’hubris nous mène par le bout du nez et il serait alors facile, pour une institution universitaire, de nous tendre la perche au moment opportun, nous proposant une petite place dans l’ascenseur social universitaire (start-up, place administrative, business plan, subvention, salaires, BDE, CA, CVU, etc.)

VIII. Car la récupération est une pratique vivace à l’université, en recherche constante d’innovation et de trouvaille humaine. C’est sa fonction principale d’ailleurs, elle qui doit alimenter en chair humaine, brevets et savoirs frais le ventre jamais repu du Moloch ; il ne faudrait pas l’oublier. Tout le monde « récupère » à la fac : d’un chercheur récupérant les travaux d’un collègue sans citer sa source, d’un startupeur piquant une découverte non brevetée, d’un techno essayant de faire fortune en fouillant dans les arrière-cours des découvertes passées, d’une administration pompant librement l’énergie de ses jeunes vacataires, tout ça est le commerce normal d’une « communauté du crime » qui ne dit mot.

Les syndicats et partis politiques eux aussi sont de la partie ! Toujours aux aguets pour renflouer les caisses et enrégimenter – en jouant sur la corde sensible de la « solidarité » et en agrémentant leurs tracts de termes à la mode appris hier de leurs aïeux sociologues pompeux et bien en chaire – quelques étudiants de bonne volonté voulant mettre leur rage, leur énergie et leur dégoût de la société dans une organisation qu’ils jugent libératrice. Et puis c’est comme chez papa-maman, on nous apprend des choses, on nous donne des ordres, il y a un cadre, des règles, des punitions et des récompenses, on nous donne un nouveau corpus de légitimité et en avant la troupe, drapeau et pancarte au vent !

Et force est de constater que, depuis 2016, le désert politique croît sur les campus, malgré quelques actes téméraires relevant de la bravoure, la pensée de l’autonomie politique a pratiquement disparue des débats en AG. Ce désert est tout encadré et propagé d’un côté par la gauche réformiste issue en grande part des syndicats d’enseignants, aux méthodes corpo et paternalistes, qui ne se bougent les fesses qu’une fois l’an, quand une loi vient chatouiller d’un peu de trop près leur bagne climatisé pour en modifier la température de quelques degrés Celsius ; et de l’autre par ce communisme de caserne, à l’autoritarisme à peine caché, qui prend vraiment les étudiants pour de la piétaille, qu’il faudrait abêtir par des slogans simples et redondants afin de provoquer mécaniquement ce qui s’appelle, dans le jargon, de l’« agitation » (mais pourquoi au fait ?). Bien entendu, les deux tendances faisant semblant de se haïr, tout en chérissant de tout leur effort et par pur intérêt ce consensus démocratique qui permet un recrutement constant d’adhérents, des postes dans les conseils, un droit de parole illimité dans les AG et une mainmise en général sur les affaires universitaires. Les stratèges sont là, en position sur les parvis des BU, distribuant leurs tracts saupoudrés d’un verbiage adaptable aux clients potentiels. Il est dur dans ces conditions, même pour un esprit sain, d’y voir clair dans leur jeu de dupe. Au moins, à l’époque du GUD, il était plus facile de passer de la critique des mots à la barre de fer, maintenant cela passerait pour de « l’anti-démocratisme ».

IX. Au principe d’amélioration des conditions présentes dont la communauté universitaire se targue de porter comme une de ses valeurs premières, il convient donc de substituer celui de la négation et ses variantes sur la base du NON : non-compromission, non-construction, non-amélioration, non-légifération, non-travail. Dans les conditions présentes – la loi de Gabor n’ayant été jusque-là jamais démentie –, il n’est en aucun cas possible de croire que la posture aristo du « savoir pour le savoir » peut viser un quelconque débordement des institutions universitaires.

Dans le techno-capitalisme tout part du pouvoir et tout lui revient (en droit). La prétention à l’élévation humaniste et encyclopédiste a doublement failli tout simplement parce que ses bases sont fausses : en séparant le savoir (gr. épistémê) vu comme universel de la société particulière qui le produit, le chercheur à l’ère industrielle (gr. technê mekhanê) a toujours substitué la question du « pourquoi » philosophique à celle du « comment » ingénieurial, poussé de toute part pour trouver « les moyens de… ». L’ « intellect général » est un des maillons essentiels au développement acharné des forces techno-capitalistes, et le « savoir », jamais neutre, se fructifiera tôt ou tard en pouvoir et puissance. La société, qui produit en même temps les conditions d’un savoir hautement abouti techniquement et complexe, est aussi celle qui permettra son utilisation de manière mortifère. Ou dit autrement : le savoir produit dans le cadre scientifique moderne, contient déjà en lui la propension à son utilisation, capitaliste et technologique. La recherche scientifique est un Janus mortifère qu’il faut maintenant regarder en face !

Et donc, il ne s’agira pas ici d’inculquer du savoir mais seulement de retrouver le goût de vivre librement et de pratiquer la vie, la critique en acte, c’est-à-dire de trouver ou de retrouver ce qui actuellement et par le passé permet et a permis à tant de gens de sortir de l’ornière et de comment ils se sont organisés (ou pas) pour le faire.

La mise en pratique effective de ces « universités autonomes » est la vie collective qui se développe dans ce genre de lieu, ce que l’on a envie de voir pousser – et effectivement ça pousse de toutes parts ! Il est à parier que si ce genre de lieux arrive à vivre, les âmes, ré-ennoblies par les nouveaux liens amicaux et la poussée collective, se sentent vite à l’étroit dans les murs qui les enserrent et que se propagent – au moment où les regards se tournent ailleurs – des négativités fécondes sur les bancs (démontés) des amphis et les bureaux bordélisés des chercheurs.

X. Que cela soit clair, il n’est pas question de recréer ici des « techniques politiques » de management, de formation ou de direction de « lutte émancipatrice », ou bien encore de viser à un quelconque résultat en terme de « gain de puissance » ou de « bataille à gagner ». Le but de cet appel est de faire sortir de ses gonds la sinistrose universitaire sans en passer par le pouvoir et d’arriver à proposer des pistes hors normes permettant des dépassements internes. Parce qu’on ne peut rester sur les acquis d’une supposée force motrice universitaire issue des mouvements passés, qu’elle s’appelle université alternative », « fac autonome », « cours alternatifs », « espace autogéré » ou tout autre vocable de l’altérité.

Culturellement, cela passe par la démolition, une bonne fois pour toutes, de la culture élitiste, fille du mythe des « humanités libératrices » et de cet intellectualisme, un brin pédant, un Foucault dans une main et un iPhone X dans l’autre, érigeant leur misère en « style de vie ».

Et structurellement, contrairement à la ghettoïsation maintes fois opérée par les technocrates (cf. « le ghetto expérimental » de la fac de Vincennes), il est impérieux de ne jamais se faire déborder par la gauche par les institutions de la marchandise intellectuelle. Si « ça marche », si l’appétit de l’alternative botte les colporteurs de l’Université moderne, c’est que la critique s’est essoufflée et ne produit plus que le reflet d’elle-même, sa représentation comme traduction du vivant en « concept » maintenant « mastérisable » et pouvant se vendre comme bonne came dans des séminaires de sociologie ou de linguistique créative. « On reconnaît la théorie critique exacte en ce qu’elle fait apparaître ridicule toutes les autres », disait un jour un alcoolique notoire.

Au plus proche des réalités merdiques du monde, l’acte de la critique, pour être vivant, doit faire coïncider, dans un même mouvement, l’observation précise et sans compromission des mécanismes de la société, et la critique en acte, réelle et communicative, de ces mêmes mécanismes. Tâchons de ridiculiser ces universitaires ès-luttes sociales en luttant dans leur cours, à la place de leur cours. Et s’ils ne font plus que du distanciel ? No matter, la lutte est de toute façon dans la vie réelle.

« Les résidus de la vieille idéologie de l’Université libérale bourgeoise se banalisent au moment où sa base sociale disparaît. L’Université a pu se prendre pour une puissance autonome à l’époque du capitalisme de libre-échange et de son État libéral qui lui laissait une certaine liberté marginale. Elle dépendait en fait étroitement des besoins de ce type de société : donner à la minorité privilégiée, qui faisait des études, la culture générale adéquate avant qu’elle ne rejoigne les rangs de la classe dirigeante dont elle était à peine sortie. D’où le ridicule de ces professeurs nostalgiques, aigris d’avoir perdu leur ancienne fonction de chiens de garde des futurs maîtres pour celle, beaucoup moins noble, de chien de berger conduisant, suivant les besoins planifiés du système économique, les fournées de “cols blancs” vers leurs usines et bureaux respectifs. Ce sont eux qui opposent leurs archaïsmes à la technocratisation de l’Université, et continuent imperturbablement à débiter les bribes d’une culture dite générale à de futurs spécialistes que ne sauront qu’en faire. » (De la misère en milieu étudiant…)

GROUPE GROTHENDIECK
hiver 2020-2021.
Contact : groupe-grothendieck@riseup.net



Quelques matériaux pour une subversion de l’Université

L’Université désintégrée, la recherche grenobloise au service du complexe militaro-industriel, groupe Grothendieck, Le Monde à l’envers, 2021.
« Allons-nous continuer la recherche scientifique ? », Alexandre Grothendieck, 1972. Retranscription de la conférence-débat donnée à l’amphithéâtre du CERN, le 27 janvier 1972.
Survivre et vivre : critique de la science, naissance de l’écologie, coordonnée par Céline Pessis, L’Échappée, 2014. Compilation de textes de la revue subversive d’écologie radicale dont Alexandre Grothendieck fut un membre très actif. L’introduction de Céline Pessis (qui reprend le texte de son mémoire : « Les années 1968 et la science. Survivre… et vivre : des mathématiciens critiques à l’origine de l’écologisme ») est très bien documenté sur le contexte historique et politique du milieu scientifique des années 70.
Toulouse nécropole, spécialités locales pour un désastre global,La commune des mortel-le-s, 2014.
« La politique universitaire depuis 1968 », Patrick Fridenson, 2010. Article universitaire très détaillé sur les différentes réformes des universités. Un tableau clinique, rigoureux et politique.
– « À quoi bon l’université », Antonia Birnbaum, Lundimatin, n° 57. Un témoignage sincère et brut de décoffrage sur une prof de philo à la fac et sur la question de la persistance de l’Université.
« Université : la changer ou l’achever ? », Anne Steiner, 2014. Très bon texte concernant les rapports de classe et les liens entre l’université et l’économie capitaliste.
Étudiez, y’a rien à voir ! (brochure), Éditions Autonomes de Nanterre, 2010.
Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, Raoul Vaneigem, 1967. Pour sentir toute la fraîcheur de la révolte de Mai 68, et en même temps pour mieux comprendre la société du spectacle.
De la misère en milieu étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier, Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg, 1966.
Révolution dans l’université : quelques leçons théoriques et lignes tactiques tirées de l’échec du printemps 2009, éditions La ville brûle, 2010.
Le Principe d’université, Plínio Prado, Éditions Lignes, 2009. Quelques passages intéressants même si c’est à chaque fois pareil avec les faqueux : dès qu’ils veulent contester l’Université, ils retombent dans cette espèce d’archaïsme bourgeois qui les empêchent de voir que leur « principe d’université » émancipateur et libéral (Humbolt et tutti quanti) n’est que le paravent qui cache le principe d’université moderne, à savoir la technoscience.

http://acontretemps.org/spip.php?article829

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