Quand les dockers de San-Francisco appellent à la grève contre les suprémacistes

par CNT-SO 66 ⋅ mercredi 23 août 2017–>

23 août 2017
Par Théo ROUMIER
Blog : à celles et ceux qui luttent et qui résistent

Le 26 août, un groupe suprémaciste blanc a prévu de défiler à San-Francisco. Il devra se frotter au syndicat des dockers, l’ILWU, qui appelle à la grève et à marcher sur le lieu du rassemblement. Une mobilisation syndicale qui donne corps à la devise « une injustice faite à l’un ou l’une est une injustice faite à toutes et tous ».

La motion ci-dessous a été adoptée le 17 août par la section de San-Francisco de l’International Longshore and Warehouse Union (ILWU, syndicat des ports et docks). Ce syndicat de masse, organisant la puissante corporation des dockers et dont 60 % des membres sont afro-américains, se réclame d’une longue tradition de riposte ouvrière au racisme et au fascisme. Outre les exemples qui en attestent cités dans le texte de l’ILWU, le site britannique libcom.org, qui a mis en avant cette action, en mobilise d’autres à l’appui.

En 1939, les dockers de la côte Ouest organisaient le boycott du chargement des navires qui transportaient l’acier nécessaire au Japon impérial dans sa guerre contre la Chine. En 1984, onze jours durant, la même section de San-Francisco de l’ILWU bloqua les navires Sud-africains pour protester contre l’apartheid. En janvier 2017, lors de l’inauguration de la présidence Trump, alors que 354 dockers étaient attendus au port, seuls 35 prenaient leur service, l’ILWU ayant appelé à ne pas travailler ce jour-là.

Ce n’est donc pas tout à fait un hasard si l’ILWU reprend la devise des syndicalistes révolutionnaires de l’IWW qui refusaient le racisme et combattaient déjà en 1905 le Ku-Klux-Klan : « an injury to one is an injury to all / « une injustice faite à l’un ou l’une est une injustice faite à toutes et tous ».

Motion de la section de San-Francisco de l’ILWU (local 10) appelant à bloquer les fascistes en cessant le travail et en manifestant à San-Francisco ce 26 août 2017

Alors que des fascistes, le Ku-Klux-Klan, des nazis et d’autres suprémacistes blancs se sont rassemblés et ont marché aux flambeaux à Charlottesville, dans une ambiance de lynchage et de terreur, la foule scandant des slogans racistes, anti-immigrés et antisémites ;

Alors que cette attaque s’est conclue par la mort d’une contre-manifestante antiraciste et en a blessé plusieurs autres lorsque l’un de ces fascistes les percuta en voiture ;

Alors que le président Trump a cherché à dédouaner cette attaque violente et mortelle, fasciste et raciste, en prétendant que « les deux côtés étaient à blâmer », qu’il a dénoncé les antiracistes s’en prenant aux statues confédérées, des statues qui honorent l’esclavage, jetant ainsi de l’huile sur le feu de la violence raciste ;

Alors que le Klan, les nazis et d’autres terroristes racistes représentent une menace mortelle pour les Afro-Américain.es, les Latinos et les immigré.es, tout autant que pour les Musulmans, les Juifs, les LGBTQ et bien d’autres encore, mais aussi directement pour les membres de notre syndicat et pour le mouvement syndical dans son ensemble ;

Alors que le groupe fasciste « Prière patriotique », qui a déjà organisé de violentes provocations racistes à Portland, en Oregon et ailleurs, a annoncé qu’il se réunirait à Crissy Field le samedi 26 août, y conviant des nazis et d’autres groupes suprémacistes blancs violents ;

Alors que, à des années lumières d’une question de « liberté d’expression », les provocations racistes et fascistes constituent une menace mortelle, comme nous l’avons vu à Portland le 26 mai dernier quand un nazi a assassiné deux hommes et en a presque tué un autre qui tentaient de défendre les deux jeunes femmes afro-américaines qu’il menaçait. Nos sœurs et frères du mouvement ouvrier de Portland ont alors répondu à la terreur raciste avec toute la puissance de la solidarité ouvrière, mobilisant les membres de 14 syndicats contre le rassemblement fasciste et raciste du 4 juin [déjà appelé par le même groupe suprémaciste] ;

Alors que la section de l’ILWU de San-Francisco a une longue et fière histoire de résistance au racisme, au fascisme et au fanatisme et qu’elle a su mobiliser toute sa puissance syndicale pour ça : ainsi, le 1er mai 2015, rejoints par des milliers de personnes, nous avons fermé les ports de la baie et manifesté jusqu’à Oscar Grant Plaza à Oakland pour exiger la fin de la violence et de la brutalité policière contre les Afro-Américains et toutes les autres victimes de celle-ci. La zone de la baie de San Francisco est un bastion syndical et nous n’autoriserons aucun de ces anti-syndicalistes, aucun de ces suprémacistes blancs, aucune bande de lyncheurs à venir ici répandre la terreur ;

En conséquence, la section de l’ILWU de San-Francisco, s’inscrivant dans la meilleure tradition de notre syndicat qui combattait déjà l’extrême droite lors de la grande grève de 1934, appelle à cesser le travail ce jour-là et à marcher sur Crissy Field pour empêcher cette tentative d’intimidation raciste et fasciste de se tenir dans notre ville natale. Nous invitons tous les syndicats, toutes les organisations antiracistes et antifascistes à se joindre à nous pour défendre nos organisations, les minorités raciales, les immigré.es, les personnes LGBTQ, les femmes et toutes et tous les opprimé.es.
Banderole de la section de San-Francisco de l’ILWU (local 10) Banderole de la section de San-Francisco de l’ILWU (local 10)
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