Ce 30 mars, des milliers de citoyens se sont réunis devant les préfectures de France pour dénoncer la répression policière. À Toulouse, les esprits étaient tournés vers Serge, dans le coma depuis la manifestation à Sainte-Soline.

Toulouse (Haute-Garonne), reportage

« Est-ce qu’un coup de cutter dans une bâche mérite vraiment qu’on envoie deux personnes dans le coma ? » Béret vissé sur la tête, le « Gilet jaune de la première heure » brandit en direction des policiers une pancarte au contraste éclatant : « Qui tue ? Qui éborgne ? Qui terrorise ? Qui est terroriste ? » Poussant sur sa voix frêle, à moitié couverte par les « ACAB » [1], scandés en cœur dans son dos, il ajoute : « J’ai été choqué par la violence des images à Sainte-Soline. Et pourtant, j’ai connu Mai 68. » Noah, lycéenne : « Réforme des retraites, mégabassines, violences policières : même combat. » © Emmanuel Clévenot / Reporterre

Le 30 mars, à l’appel des Soulèvements de la Terre, des dizaines de rassemblements ont été organisés devant les préfectures du pays. Objectif : soutenir les militants victimes des violences policières à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) le 25 mars lors d’une manifestation contre les mégabassines. Venus défendre le vivant et la juste répartition de l’eau, les 30 000 manifestants ont essuyé plus de 4 000 lancers de grenades. Cette militarisation de la répression du mouvement écologiste s’est soldée par des mâchoires arrachées, un œil crevé et deux personnes plongées dans le coma, entre la vie et la mort.

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Un des deux est Serge, habitant de Toulouse. Dans l’obscurité grandissante de la place Saint-Étienne, au cœur de la Ville rose, plusieurs centaines de citoyens lui ont rendu hommage : « Mon Sergio, je suis venu ici témoigner de ton amour pour la nature et la terre, témoigner aussi de ton profond humanisme », a murmuré dans le mégaphone Vince, son collègue accompagnateur en montagne. « Il est humble, respectueux, gentil. Jamais un mot plus haut que l’autre, jamais une attitude violente ou provocatrice, a renchéri son coéquipier de football, étouffant un sanglot. Vous ne nous mentirez pas sur qui il est ! » Le coéquipier de football de Serge est venu témoigner de l’humanité de son ami. © Emmanuel Clévenot / Reporterre

Le 28 mars, la police a laissé fuiter l’information que Serge est « fiché S ». Aussitôt, certains médias ont décrit le trentenaire comme un délinquant, repris de justice : « L’État joue de la désinformation pour détourner le regard des violences policières et se dédouaner de toute responsabilité, analyse Jean-François Mignard, président de la Ligue des droits de l’Homme 31. Il y a bientôt dix ans, Rémi Fraisse est mort à Sivens. Aujourd’hui, les faits sont troublants de ressemblance. Les forces de l’ordre ne semblent pas avoir tiré de leçons du passé. »

La France, « emblème » européen de l’escalade de la violence

Les joues rougies par la fraîcheur du crépuscule, Lorena Saldarriaga fait virevolter un drapeau de la Confédération paysanne au bout d’un bâton. Maraîchère, elle loue le courage des militants ayant fait face aux forces de police pour dénoncer l’accaparement des ressources naturelles : « Notre résistance pacifique bute désormais sur l’agressivité des politiques d’Emmanuel Macron. Il fait taire nos voix d’un revers de manche. Alors, face à l’urgence climatique, nous n’avons plus le choix et la colère devient légitime. » Pour les personnes présentes, des « armes de guerre » ont été utilisées à Sainte-Soline contre les manifestants. © Emmanuel Clévenot / Reporterre

Un peu plus tôt dans la journée, le président de la République avait d’ailleurs réaffirmé la nécessité de l’irrigation et des stockages d’eau, lors d’un déplacement dans les Hautes-Alpes. Avant d’ajouter, à propos de Sainte-Soline : « Des milliers de gens étaient simplement venus pour la guerre. C’est inacceptable ! Je réaffirme mon soutien aux élus et aux forces de l’ordre qui, avec beaucoup de courage, ont avancé. Cela montre qu’il y a chez certains une forme d’habitude de la violence qui s’installe, il faut la combattre avec beaucoup de fermeté. »

Aux yeux de Jean-François Mignard, ce discours cherche à légitimer la répression policière : « Celle-ci se durcit lorsqu’on est incapable de mener une politique démocratique. C’est exactement ce qui est en train de se passer. Dans toute l’Europe, la France est en train de devenir l’emblème du refus de négocier, du refus d’entendre le peuple et de l’escalade des violences. »

Jean-François Mignard, président de la Ligue des droits de l’Homme Haute-Garonne.

Notes

[1] Acronyme de l’anglais « All cops are bastards » soit « Tous les flics sont des salauds ».

https://reporterre.net/Respectueux-gentil-a-Toulouse-ils-rendent-hommage-a-Serge-blesse-a-Sainte-Soline

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