Complices de l’infamie

mardi 2 août 2022, par  Pascual

L’approbation du projet de loi sur la mémoire démocratique au Congrès et au Sénat rend ceux qui ont rendu possible cette nouvelle loi – activement ou passivement – complices de l’infamie que constitue le maintien de l’article 10 [1]de la loi précédente dans l’ordre juridique. Un article infâme qui divise injustement et arbitrairement les victimes de la répression franquiste en deux catégories selon qu’elles ont été exécutées avant ou après le 1er janvier 1968.

Une division arbitraire et injuste qui ne fait qu’ajouter à la Démocratie une autre pénalisation injuste et douloureuse à celle déjà infligée par le criminel régime franquiste à ceux qui ont perdu la vie – avant cette date – pour défendre les libertés et les droits désormais constitutionnels. Non seulement parce que leur réparation (9 616,18 euros) est treize fois inférieure à celle fixée par l’article 10 pour les autres (135 000 euros), mais aussi en raison de l’arbitraire de la division par une date, le 1er janvier 1968, et de l’imprécision avec laquelle on entend « justifier » une discrimination aussi infâme : « Vu les circonstances exceptionnelles qui ont concouru à leur mort (…) en défense et revendication des libertés et droits démocratiques  ».

Une autre peine injuste et douloureuse, parce que, en plus de ne pas préciser la nature de cette exceptionnalité ou pourquoi les circonstances antérieures à 1968 n’étaient pas exceptionnelles, aucune référence n’est faite à l’article 7 [2], bien que ce soit celui qui indemnise avec 9 616,18 euros les victimes du franquisme qui n’avaient pas été indemnisées parce qu’elles n’avaient pas effectué le temps minimum de prison requis avant leur exécution – en vertu de la loi 4/1990 qui réglemente l’indemnisation des personnes ayant subi des pressions pendant le franquisme – pour pouvoir être indemnisées.

Et aucune référence n’est faite à l’article 7 car dans cet article, comme dans toutes les mesures approuvées en faveur de ceux qui ont souffert de l’emprisonnement – en conséquence des cas envisagés dans la loi 46/1977, du 15 octobre, sur l’amnistie – la date de leur détention n’a jamais compté pour le montant de leur indemnisation, comme le fait l’article 10 pour les victimes de la répression franquiste exécutée, officiellement ou non.

Eh bien, si l’article 10 n’apparaît plus littéralement dans la loi sur la mémoire démocratique, l’infamie perpétrée par les promoteurs de la loi sur la mémoire historique de 2007 se poursuit avec la nouvelle loi ; Dans le chapitre III, qui fait référence à la réparation, il est spécifié « qu’en plus des mesures qui ont été déployées depuis la transition et qui restent dans le système juridique, des actions spécifiques sont incorporées qui font référence aux biens spoliés pendant la guerre et la dictature, en réalisant un audit de ceux-ci et par conséquent la mise en œuvre de possibles moyens de reconnaissance pour les personnes affectées ». En plus d’insister sur ce point en se référant à la disposition abrogatoire, qui abroge la loi 52/2007, où il est à nouveau précisé que « les mesures de réparation économique qu’elle contenait subsistent dans l’ordre juridique en tant que partie d’autres dispositions  ».

Bien que l’article 10 n’apparaisse plus littéralement dans la loi sur la mémoire démocratique, l’infamie perpétrée par les promoteurs de la loi sur la mémoire historique de 2007 se poursuit avec la nouvelle loi.


Salvador Puig Antich, assassiné par le garrot le 2 mars 1974 à la prison Modelo de Barcelone.

En d’autres termes, l’article 10 arbitraire et infâme de la loi précédente reste dans l’ordre juridique comme l’une des mesures déployées après la Transition pour la réparation des victimes de la répression franquiste et, par conséquent, l’infamie de leur division se poursuit avec la nouvelle loi.

La seule façon de ne pas être complice d’une telle infamie est donc de demander – comme l’a proposé ERC dans l’un de ses amendements à l’ensemble – la modification de l’article 10 en ces termes : « Article 10. Reconnaissance de toutes les personnes mortes pour la défense de la démocratie. Le droit à une indemnisation de 135 000 euros est reconnu aux ayants droit des personnes décédées ou disparues du fait de la répression franquiste, de la part d’agents de l’État ou d’organisations paramilitaires, jusqu’au 27 décembre 1978 ». Une modification que l’Unidas Podemos a exigée dans un projet de loi (bien qu’elle ait réduit le montant à 80 000 euros) présenté avant de faire partie de la coalition gouvernementale progressiste.

C’est donc un devoir, avec « tous ceux qui sont morts pour la défense de la démocratie », d’exiger (3) la fin de l’infamie qui continue à être commise dans la loi de la mémoire démocratique avec ceux qui ont perdu la vie avant le 1er janvier 1968 «  pour la défense et la revendication des libertés et des droits démocratiques », aujourd’hui constitutionnels.

Plus qu’un devoir, un impératif moral et politique.

Octavio Alberola 

Pour tenter d’y parvenir, ce texte a été envoyé aux membres des groupes parlementaires progressistes dont dépend le soutien de la continuité du gouvernement de « coalition progressiste ».

Texte publié sur le site El Salto Diario, le 30 juillet 2022
https://www.elsaltodiario.com


[1] Article 10 : Reconnaissance en faveur des personnes tuées pour la défense de la démocratie pendant la période du 1er janvier 1968 au 31 décembre 1977.

[2] (Article 7 – Modification du champ d’application de l’indemnisation en faveur des personnes qui ont subi un emprisonnement en raison des cas envisagés dans la loi 46/1977, du 15 octobre, sur l’amnistie.

2. Un paragraphe deux bis et un paragraphe sept sont ajoutés à la dix-huitième disposition additionnelle de la loi 4/1990, du 29 juin, sur le budget de l’État, avec la rédaction suivante :

« Deux bis. Une indemnité de 9 616,18 € sera accordée au conjoint survivant d’une personne qui, ayant subi une privation de liberté d’une durée inférieure à trois ans en raison des cas prévus par la loi 46/1977, du 15 octobre, a été condamnée à la peine de mort effectivement exécutée et n’a pas bénéficié d’une pension ou d’une indemnisation de l’un des systèmes publics de protection sociale reconnus en sa faveur pour cette circonstance ».

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