Crise sanitaire – Les derniers billets d’humeur d’un médecin urgentiste !

de : JO

lundi 30 mars 2020 – 16h24 –

Crise sanitaire – Les derniers billets d’humeur de Christophe Prudhomme, médecin urgentiste – Source Syndicale

Ø Billet d’humeur du jour numéro 2 :

Que le Président de la, République reconnaisse que l’hôpital va mal est un premier acquis. Cependant, ses promesses restent floues alors que nos revendications sont précises et chiffrées. Nous réclamons des lits et l’arrêt des fermetures de services et d’hôpitaux. Nous réclamons des effectifs supplémentaires : 100 000 à l’hôpital et 200 000 en EHPAD. Enfin nous réclamons des augmentations de salaires et non des primes. Le chiffrage a été fait par l’intersyndicale et les collectifs. Nous demandons pour 2020 une augmentation du budget des hôpitaux de 5 %, soit 4 milliards d’euros immédiatement.

Les promesses faites hier ne sont pas à la hauteur de la crise qui ne date pas d’aujourd’hui. Elles restent floues et non chiffrées, présentées dans le cadre d’un discours compassionnel qui nous énerve.

Monsieur Macron, nous voulons du concret avec des financements précis. Le temps des promesses, c’est terminé !

Ø Billet d’humeur du jour numéro 3 :

Que l’armée française ne soit pas capable de monter un véritable hôpital de campagne avec un nombre de lits conséquent et que l’aide à Mulhouse se limite à quelques tentes avec 30 lits, alors que des pays comme la Chine ont construit des hôpitaux de plusieurs centaines de lits avec des bâtiments modulaires en quelques jours. Cela montre bien que la politique de destruction du Service de santé des armées, avec la fermeture de nombreux hôpitaux, a mis aussi ce service public à genoux.

La conséquence a été l’organisation d’un train sanitaire qui a été largement médiatisée mais qui s’avère être un gâchis délirant en termes de moyens dans la situation actuelle. Mobiliser 150 soignants pour faire traverser la France à 20 malades, mais quelle bêtise ! D’une part, la crise en Alsace est largement due au fait que le nombre de lits en réanimation dans cette région était initialement insuffisant comme dans toute la France et je le rappelle de moitié inférieur rapporté à la population par rapport à ce qui existe de l’autre côté du Rhin, en Allemagne. Par ailleurs, il aurait été préférable de monter un véritable hôpital supplémentaire en faisant appel à la réserve sanitaire sur place à Mulhouse.

Demain, nous risquons d’être à saturation en Ile-de-France en ce qui concerne les lits de réanimation. Allons-nous organiser des trains sanitaires pour répartir les patients sur toute le territoire ? Non, il faut que le gouvernement mobilise l’ensemble de nos ressources pour le système de santé en arrêtant les activités non essentielles et mette en œuvre des capacités hospitalières supplémentaires sur place en région parisienne dans des locaux disponibles.

Ø Billet d’humeur du jour numéro 4 :

J’étais hier jusqu’à minuit en régulation au Samu de Seine-Saint-Denis. Depuis 3 jours, plus aucune place en réanimation dans notre département. La conséquence est le transfert de patients dans des réanimations au quatre coins de la région parisienne.

Cela souligne deux problèmes.

Premièrement, cela met en lumière ce que nous dénonçons depuis des années, à savoir la faiblesse des services publics dans les départements les plus pauvres, notamment en termes de lits hospitaliers. Faiblesse qui n’ est pas compensée par le secteur privé lucratif que nous avons sollicité, mais qui était lui aussi dépassé et qui par ailleurs n’est pas doté de beaucoup de places en réanimation.

Deuxièmement, cela pose une question sur la stratégie du gouvernement. Il faudrait en urgence augmenter les capacités hospitalières sur place, bien au-delà de ce qui a été fait jusqu’à présent. Mais aujourd’hui la réponse qui semble se profiler est celle de nouveaux TGV sanitaires pour évacuer des patients sur la province. Cela ne semble pas raisonnable. Il serait plus utile de mobiliser l’ensemble des ressources logistiques et humaines disponibles en Île-de-France. La priorité ne peut être aujourd’hui le maintien de l’activité économique, y compris dans des secteurs qui ne sont pas essentiels dans la lutte contre l’épidémie. Toutes nos forces doivent être concentrées immédiatement pour passer le cap du pic de l’épidémie dans les régions les plus touchées.

La région parisienne est soit disant une des régions les plus riches du monde, le gouvernement doit arrêter de tergiverser et de courir après les événements. Il est possible, si les bonnes décisions politiques sont prises immédiatement, de pouvoir mettre en œuvre les solutions adaptées.

Ø Billet d’humeur du jour numéro 5 :

Ce matin, dimanche, je pars au travail au Samu 93, avec une certaine appréhension car depuis maintenant plusieurs jours, les réanimations d’Ile-de-France arrivent à saturation. Il va donc être difficile de trouver des solutions pour de nombreux patients, notamment les plus, âgés.

J’ai entendu hier soir le Premier ministre et le Ministre de la santé faire des annonces concernant des commandes de matériel et des prévisions d’ouverture de lits de réanimation. Dans un premier temps, je me suis dit que pour la première fois depuis de nombreuses semaines, le gouvernement n’était plus dans le déni et reconnaissait la pénurie de matériel. Mais en écoutant l’énoncé des chiffres et les dates annoncées, la colère m’est montée au nez. Nous avons besoin des tests, des masques et des lits de réanimation aujourd’hui et pas dans 10 ou 15 jours ! Nous promettre 50.000 tests par jour fin avril alors que l’Allemagne en fait déjà plus quotidiennement aujourd’hui, qu’elle foutaise ! Il en va de même pour les masques promis dans les EHPAD qui sont indispensables dès maintenant !

Cela montre bien que le gouvernement a encore un train de retard et court après la crise. Gouverner, c’est prévoir, messieurs. Et vous n’avez rien prévu à temps.

Nous, urgentistes, demandons que tous les moyens industriels, logistiques et humains de notre pays soient mobilisés immédiatement pour que notre système de santé puisse répondre aux besoins des patients. Il faut arrêter toutes les autres activités non essentielles. C’est vital, car nous refusons d’être en situation de sélectionner les malades qui pourront aller en réanimation et ceux qu’il faudra laisser mourir par manque de moyens.

Dr Christophe Prudhomme

https://youtu.be/imI4gYps4Pw

Médecin urgentiste

http://bellaciao.org/fr/spip.php?article163199

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