Pour lutter contre le changement climatique, la CGT tisse des alliances avec Greenpeace et Attac

La centrale syndicale a engagé des discussions pour un plan rouge et vert face aux enjeux environnementaux.

> Par Nabil Wakim Publié aujourd’hui à 02h44, mis à jour à 11h06

> > COLCANOPA

> L’affiche est inédite, surtout en pleine mobilisation contre la réforme des retraites. Le secrétaire général de la Confédération générale du travail (CGT), Philippe Martinez, le directeur général de Greenpeace France, Jean-François Julliard, et la porte-parole de l’association altermondialiste Attac, Aurélie Trouvé, étaient réunis, vendredi 17 janvier, à Saint-Denis, près de Paris, pour écouter l’une des inspiratrices du volet social du Green New Deal porté par la gauche américaine, l’économiste Pavlina Tcherneva.

> Au moment où l’Union européenne se fixe à l’échelle continentale un objectif d’atteindre la « neutralité carbone » en 2050, la CGT, Attac et Greenpeace souhaitent porter ensemble une trajectoire alternative. Depuis le contre-G7 en août 2019 à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) et Irun (Espagne),les patrons des trois organisations ont multiplié les rencontres au siège de la centrale de Montreuil, en Seine-Saint-Denis. L’objectif affiché : construire dans les mois qui viennent une proposition commune de pacte vert et rouge qui permette de lutter contre le changement climatique tout en assurant des emplois de qualité pour les salariés des secteurs concernés.

Eviter un bain de sang social

> Le constat est partagé : l’urgence climatique impose une profonde transformation à l’économie française pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Renoncer aux énergies fossiles va atteindre fortement des secteurs entiers, des raffineries aux usines automobiles. Mais comment réaliser cette transition sans provoquer un bain de sang social ? « Si le choix pour sauver la planète, c’est de perdre son boulot, le discours syndical va être compliqué », euphémise le secrétaire général de la CGT, pour qui « il faut créer les conditions qui permettent de conjuguer créations d’emplois et industries et énergies propres ». « Il y a une évolution de la CGT sur ces questions », reconnaît Philippe Martinez, patron d’une centrale traditionnellement productiviste et dont d’importants bataillons syndicaux travaillent dans des secteurs susceptibles d’être durement touchés par la transition.

> « Il y a des alliances à faire entre les forces sociales, les syndicats et les organisations environnementales, souligne la porte-parole d’Attac, Mme Trouvé. Cela nécessite une évolution au sein des syndicats, qui est en train de se faire. Et du côté des associations écologistes, cela veut dire intégrer les questions sociales. » Le directeur général de Greenpeace, M. Julliard, estime lui aussi ce travail en commun d’un genre nouveau nécessaire : « On appelle de nos vœux une transition écologique ambitieuse mais on veut éviter qu’on nous renvoie sans cesse cette question des pertes d’emplois. »

> Ce rapprochement rappelle l’initiative commune prise par le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, et Nicolas Hulot en mars 2019 — mais qui n’a pas réussi à se concrétiser par la suite.

Créer des emplois pour mettre en œuvre la transition

> La CGT, Greenpeace et Attac regardent de près les débats qui agitent la gauche américaine. Le projet de Green New Deal, porté notamment par la représentante de New York, Alexandria Ocasio-Cortez, implique une très forte diminution des émissions de CO2, une sortie radicale du pétrole et du charbon, tout en promettant de créer des millions d’emplois pour mettre en œuvre la transition. « C’est un aspect central du projet : on ne peut pas opposer l’emploi et l’environnement », a expliqué vendredi l’économiste Pavlina Tcherneva, qui a participé à la rédaction du texte présenté au Sénat américain en mars 2019. Elle propose un plan industriel massif centré sur les énergies renouvelables et la rénovation énergétique, « de même ampleur que pour une économie de guerre ».

> Dans le même temps, des emplois publics seraient garantis aux travailleurs issus de secteurs polluants. L’une de ses propositions-phares : un emploi public garanti pour tous au salaire minimum, qui permettrait aux salariés de se reconvertir avant de retrouver un autre travail.Comment financer un tel projet ? « C’est une mauvaise question », répond-elle, en montrant une image des incendies qui ravagent l’Australie. « La vraie question, c’est : “Comment allons-nous payer pour les conséquences du changement climatique ?” On peut soit payer très cher dans l’urgence pour tenter de faire face aux crises, soit anticiper », assure-t-elle.

> « Cette discussion ouvre un chantier majeur », s’enthousiasme l’économiste Cédric Durand, l’un des organisateurs de la table ronde. Pour autant, certains ne cachent leurs inquiétudes devant les difficultés. « Si on est mineur de charbon, on ne va pas devenir du jour au lendemain rénovateur d’appartements. Il est difficile d’imaginer une solution miracle qui résout à la fois la transition écologique et la question de l’emploi ! », souligne l’économiste de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) Henri Sterdyniak, présent vendredi.

> Philippe Martinez reconnaît que cette alliance avec les associations environnementales est une nouveauté pour la CGT et que les réponses communes sont encore à construire. Cette démarche pourrait aussi provoquer des interrogations au sein de la centrale syndicale, historiquement méfiante vis-à-vis des écologistes. « Si on reste chacun dans son coin, on n’a aucune chance d’y arriver », glisse le patron de la CGT avant de quitter la salle, en promettant d’autres initiatives communes dans les prochains mois.

https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/01/18/la-cgt-tisse-des-alliances-nouvelles-contre-le-changement-climatique_6026381_3234.html

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