Autour des mobilisations au Brésil

RETRAIT OU AUGMENTATION DES TARIFS, LA LUTTE CONTINUE POUR L’OBTENTION DES AUTRES REVENDICATIONS !

arton73-79c7c.jpgPar Zé María, Ouvrier métallurgique. Président national du Parti Socialiste des Travailleurs Unifiés (PSTU) du Brésil. [Traduction Batay Ouvriye]

Importante victoire des mobilisations qui secouent le pays tout entier que celle remportée hier soir ! En effet, le gouvernement vient d’opérer le retrait de l’augmentation des tarifs de transport qu’il venait de passer. Cependant, ce retrait n’arrêtera pas le processus de lutte en cours.
L’augmentation des tarifs d’autobus, loin d’être la seule cause des protestations, fut à peine la goutte d’eau qui éleva une mer d’insatisfactions de la population brésilienne. La lutte doit continuer ! Car nous devons mettre en évidence toutes les tribulations qui martyrisent les travailleurs et les jeunes de notre pays.
Retrait ou maintien de l’augmentation, décision importante certes ; mais, de toute façon, le prix des transports demeure trop élevé. Le vrai prix des transports doit être celui indiqué par la Constitution qui en fait un droit. Donc : zéro ! Il n’est pas normal que ne peuvent jouir de ce droit que ceux qui en ont les moyens : dans la ville de Sao Paulo, 34% des déplacements s’effectuent à pied ou en bicyclette !
Autre questionnement d’importance qui reste sans réponse : pourquoi autant d’argent pour la coupe du monde, si les gouvernements disent qu’ils n’ont pas de ressources pour améliorer la santé ou l’éducation ?
La lutte contre la corruption est un autre sujet important. Dans ce sens, les pancartes dénonçant les projets de loi qui visent à renforcer l’impunité des politiciens corrompus furent très applaudies. De même celles qui fustigeaient la répression et la criminalisation des mouvements sociaux.

Bannières de la classe travailleuse et méthodes de lutte

Un autre aspect de grande importance dans la continuité de ce processus est de promouvoir la participation de notre classe de manière de plus en plus organisée. Pour cela il sera fondamental de porter les revendications qui ont trait à notre classe elle-même : augmentation des salaires, contrôle des prix des produits de première nécessité, annulation de la réforme sur les retraites, contre la tertiarisation, contre les privatisations, paiements des professeurs, investissement dans la santé, l’éducation, le logement, assainissement de nos quartiers populaires etc, etc, etc… À bien y réfléchir : les revendications des différents secteurs de notre classe exigeraient simplement, en fait, un autre modèle économique pour notre pays.
Il est nécessaire que tous les secteurs des travailleurs concernés se mettent à cette tâche de manière urgente. La CSP-Conlutas, participant pleinement du processus, mobilisera toutes ses bases en ce sens. Les majeures centrales syndicales devraient, à l’occasion, appeler à une grève générale dès que possible, le principal étant que, d’abord, tous nous participions à cette mobilisation. Rien de moins n’est acceptable pour les organisations des travailleurs.
Dans ce même ordre d’idées, il faut de suite renforcer l’appel à la participation générale aux mobilisations en cours. Hier, à une rencontre de bilan partiel, la présence de la jeunesse du PT (au pouvoir actuellement) fut critiquée. Je pense le contraire. À mon sens, il est bon que les jeunes du PT s’ajoutent aux revendications de la mobilisation générale, cela prouve qu’elles sont réellement de base et concernent le peuple dans son entier. Certains diront que c’est une contradiction, le gouvernement venant du PT lui-même. Peut-être… mais c’est une contradiction positive. Plus il y aura des gens du PT dans les rues, moins sera la capacité du gouvernement d’agir comme il le fait maintenant et ceci, d’une manière ou d’une autre, nous amènera à dépasser cette contradiction. Que s’ajoutent donc les drapeaux PT ! Ils ne feront que renforcer la lutte des travailleurs et des jeunes brésiliens.

Le caractère de classe des manifestations

Si les travailleurs entrent dans cette bataille, de manière organisée, non seulement participant dans les mobilisations de rue, mais également avec leurs méthodes de lutte traditionnelles (grèves, occupation des lieux de travail ou paralysant l’économie…), nous aurons beaucoup plus de force pour conquérir nos demandes. En plus – et ceci est fondamental – nous aurons assuré aux protestations le caractère de classe qui leur est nécessaire, bloquant du même coup l’entrée en jeu des réactionnaires de droite et l’utilisation qu’ils pourraient faire du processus en cours.
En ce sens, il est nécessaire par exemple de bien lever l’étendard de la lutte contre la corruption mais il est tout aussi obligatoire de toujours y ajouter nos revendications de travailleurs, nos demandes de classe bien spécifiques et précises contre l’exploitation capitaliste.

Manifestations et partis politiques

Une des contradictions parmi les plus importantes à s’être exprimée clairement durant les différentes mobilisations, est la résistance au déploiement des banderoles et drapeaux des partis politiques. Le sens commun de la population affiche en effet un refus catégorique à la présence des partis politiques en tant que tels. Ceci est tout à fait compréhensible, compte tenu de la pratique que la population a depuis toujours observé de la part de ces partis et autres politiciens qui, ensemble, ont généralisé la corruption et le clientélisme électoraliste qui l’accompagne.
Ce problème n’est cependant pas trop grave. Il sera dépassé grâce à notre patience et notre persévérance : les masses finiront par comprendre la grande différence qui existe entre les partis traditionnels et leurs politiciens de ceux qui sont partie prenante des luttes et mobilisations du peuple. Dans le cadre de ce processus, elles finiront par comprendre alors l’importance de la présence des partis effectivement insérés dans la lutte des travailleurs et qui proposent réellement la transformation profonde de notre pays. Le Parti Socialiste des Travailleurs Unifiés (PSTU), dont je suis membre, est un de ceux-ci. Non seulement sommes-nous de plein pied dans cette mobilisation mais nous portons avec nous notre appareil de lutte, avec l’objectif déclaré de construire avec les travailleurs et jeunes de notre pays une société socialiste.
Le plus grave ces jours-ci est l’utilisation instrumentale du sens commun des masses par des secteurs qui se déclarent « de gauche » (anarchistes, punks…) et attaquent les représentants de partis politiques de lutte qui y apportent leurs drapeaux ou autres signes distinctifs. Ces éléments, rarement structurés, prétendent s’opposer au capitalisme sans organisation aucune. Avec leur slogan selon lequel « …uni, le peuple gouvernera sans parti », ils ne savent pas qu’ils font le jeu des capitalistes, maintenant le peuple prisonnier des partis qui justement gouvernent aujourd’hui. En réalité, ils transmettent l’illusion qu’il suffit de vouloir en terminer avec le capitalisme pour assurer sa perte. Ainsi, ils amènent le peuple à une paralysie de fait, incapable qu’il sera de réaliser de manière structurée et consciente les tâches qui lui incombent pour sortir de l’exploitation et la domination dont il souffre.
Il est de la plus haute importance de finir avec cette contradiction qui nous paralysera tôt ou tard, à savoir : lutter contre le PT et la répression que ce parti au pouvoir nous inflige nous qui défendons nos droits justes et légitimes, et bloquer la présence « de tout parti politique », y inclus ceux qui ont émané de la lutte des travailleurs eux-mêmes.
D’un autre côté, il est urgent de donner un caractère de classe à cette mobilisation en cours. La massifier au possible, avec l’entrée structurée des travailleurs organisés. Enfin, y apporter les revendications de notre classe, en consolidant les tendances qui aspirent à un modèle économique réellement autre. Vamos à luta !

Sao Paulo, 20 juin 2013

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