Ce qu’il s’est passé à Sainte-Soline

200 blessés, 40 blessés graves, une personne entre la vie et la mort

paru dans lundimatin#376, le 27 mars 2023

Le rassemblement contre les méga-bassines de Sainte-Soline devait être une fête. Les défenseurs de l’eau, venus par dizaines de milliers, devaient se rejoindre pour marcher jusqu’au cratère absurde, symbole de l’accaparement par quelques-uns d’un « bien commun ». Il y avait bien eu les menaces de la préfecture, l’interdiction de s’y rassembler et le déploiement de 3200 forces de l’ordre. Comme la fois précédente, le 29 et 30 octobre dernier, on comptait sur l’audace, la ruse et l’inventivité du mouvement pour contrecarrer le siège ridicule et policier d’un trou. Trois cortèges et leurs totems se sont élancés, les anguilles turquoise, les loutres jaunes, les outardes roses. S’il s’agissait d’un jeu grandeur nature, chacun savait qu’il faudrait déjouer le dispositif policier, par endroit le percer. Tout le monde pensait la victoire acquise, comment empêcher 30 000 personnes déterminées à rejoindre un objectif, à pénétrer le cratère vide mais plein de sens ? Personne ne pensait que l’État serait prêt à toutes les violences et brutalités pour ne pas perdre la face, pour défendre le trou. En 1h30, 4000 munitions ont été tirées, des grenades lacrymogènes, des grenades de désencerclement, des balles en caoutchouc. 200 personnes ont été blessées, 40 grièvement, 2 en réanimation neuro-chirurgicale dont une entre la vie et la mort.

Cet article sera mis à jour au fil de la journée. Ci-dessous, le communiqué des amis de S. dont le pronostic vital est engagé, le témoignage de Layla Staats Mohawk présente à Sainte-Soline pour défendre l’eau, un communiqué de presse de la Confédération Paysanne, des Soulèvements de la Terre et de Bassines Non Merci qui réfute un à un les mensonges de la préfecture quant au déroulé de la journée de samedi. Le témoignage d’une médecin urgentiste présente à la manifestation est aussi accessible ici.

Communiqué au sujet de S., camarade au pronostic vital engagé à la suite de la manifestation de Sainte-Soline 

Samedi 26 mars à Sainte Soline, notre camarade S. a été atteint à la tête par une grenade explosive lors de la manifestation contre les bassines. Malgré son état d’urgence absolue, la préfecture a sciemment empêché les secours d’intervenir dans un premier temps et d’engager son transport dans une unité de soins adaptée dans un second temps. Il est actuellement en réanimation neurochirurgicale. Son pronostic vital est toujours engagé. 

Le déferlement de violences que les manifestants ont subi a fait des centaines de blessés, avec plusieurs atteintes graves à l’intégrité physique comme l’annoncent les différents bilans disponibles. Les 30 000 manifestants étaient venus dans l’objectif de bloquer le chantier de la méga-bassine de Sainte-Soline, un projet d’accaparement de l’eau par une minorité au profit d’un modèle capitaliste qui n’a plus rien à défendre sinon la mort. La violence du bras armé de l’Etat démocratique en est la traduction la plus saillante.

Dans la séquence ouverte par le mouvement contre la réforme des retraites, la police mutile et tente d’assassiner pour empêcher le soulèvement, pour défendre la bourgeoisie et son monde. Rien n’entamera notre détermination à mettre fin à leur règne. Mardi 28 mars et les jours suivants, renforçons les grèves et les blocages, prenons les rues, pour S. et tous les blessés et les enfermés de nos mouvements. 

Vive la révolution.

Des camarades du S.

PS : Si vous disposez d’informations concernant les circonstances des blessures infligées à S., contactez-nous à : s.informations@proton.me

témoignage de Layla Staats Mohawk présente à Sainte-Soline

30 000 personnes manifestent à Sainte-Soline malgré la brutalité policière pour une avancée déterminante vers la fin des méga-bassines

Ce samedi 25 mars, c’est plus de 30 000 personnes qui se sont réunies près de Sainte-Soline à l’appel de la Confédération paysanne, Bassines Non Merci et les Soulèvements de la Terre mais aussi de plus de 100 organisations associatives et syndicales pour enfoncer le clou d’une mobilisation populaire grandissante et mettre un terme aux chantiers de méga-bassines.
 
La veille, le mouvement contre les méga-bassines avait déjà relevé le double défi d’installer un campement au petit matin à quelques encablures de la bassine de Sainte-Soline, puis de faire passer le convois de tracteurs de la Confédération paysanne en contourné les barrages policiers à travers champ pour rejoindre le campement.
Samedi matin, les délégations internationales, les paysan-ne-s, syndicalistes, naturalistes, militant-e-s pour le climat et le partage de l’eau s’étaient tous retrouvés en masse puis répartis en 3 cortèges pour lancer ce qui sera la plus grande mobilisation anti-bassines à ce jour. Autour de totems géants de la faune menacée par les projets de bassines, la outarde, la loutre et l’anguille, les manifestant-es ont progressé dans les champs dans une ambiance déterminée avec beaucoup de créativité, d’audace et d’union, loin de la fable vendue par Gerald Darmanin de 1000 individus isolés cherchant la violence..

Les 30 000 personnes sont ainsi arrivées ensemble au pied du chantier de Sainte-Soline, qu’elles ont encerclé avec les forces de l’ordre arc-boutées autour de son périmètre. Des milliers de personnes avanaçaient en se tenant par la main, d’autres s’approchaient en groupe pour arracher les grilles.

Alors que le cortège jaune a réussi à s’introduire brièvement dans le chantier, les violences policières ont été sidérantes de brutalité : c’est pas moins de 200 blessés que nous recensons et d’autres continuent d’arriver. Parmi eux, une quarantaine de personnes ont des plaies profondes (délabrantes) et des éclats surtout au niveau des jambes et du visage, à cause des grenades de désencerclement et des tirs de LBD. Une dizaine de blessés graves ont même été transférés au CHU. Un manifestant est dans le coma avec son pronostic vital engagé, deux autres ont leur pronostic fonctionnel engagé. Cette violence est absolument criminelle quand on sait qu’il s’agissait pour la police d’uniquement protéger un cratère vide et de garder la face. Elle fait largement écho à la répression brutale subie par le mouvement social contre la réforme des retraites.

Pire, la police a retardé la prise en charge des blessés en bloquant le Samu à Sainte-Soline, alors que celui-ci avait été appelé par les manifestant-e-s dès 13h. Une personne en urgence vitale a du attendre plus d’une heure avant que la prefecture autorise le Samu à passer après des appels de la Confédération paysanne et Marine Tondelier – un blocage confirmé par les observateurs de la Ligue des Droits de L’Homme dans un communiqué

Les organisateurs dénoncent les graves violences aux personnes, menées une fois de plus par la police et qui nous remémorent le drame de Sivens. Nous sommes inquiets pour ces blessés, la priorité est et doit être à leur prise en charge. Il faut aussi dire qu’en amont de la mobilisation, la préfecture, le gouvernement et même Emmanuel Macron ont multiplié les éléments de langage visant à criminaliser le mouvement antibassines et ainsi justifier les violences dont les manifestant-e-s ont fait l’objet aujourd’hui.
 
Avant de repartir du chantier, les manifestant-e-s ont excavé et désarmé une pompe et une canalisation centrale de la bassine de Sainte-Soline, la mettant définitivement hors d’état de nuire. 

En parallèle, la Confédération paysanne a planté 300m de haies, essentielles pour un modèle agricole sobre en eau et respectueux de la biodiversité. Elle a également monté une serre maraichère afin d’aider à l’installation d’un paysan sur une parcelle proche de la bassine. Cette action montrent qu’au delà de l’opposition aux méga-bassines, c’est bien un autre modèle agricole plus résilient, partageur des ressources en eau et à taille humaine qui est défendu dans cette lutte.


Les manifestant-e-s rentrent ce soir et dimanche à Melle. La lutte pour le partage de l’eau se poursuit, avec des tables rondes sur les ravages de l’agro-industrie, les luttes à l’international et l’agriculture paysanne, mais aussi des reflexions sur la suite et les alliances du vaste mouvement populaire contre l’accaparement de l’eau. Des spectacles tous publics et des concerts sont prévus dans les deux prochains jours. 
 
Nous continuerons le combat, malgré les intimidations et la brutalité extrème dont a fait usage le gouvernement. Cette date marque une nouvelle étape déterminante qui doit annoncer l’arrêt des travaux et l’ouverture d’un dialogue sur la préservation et le partage de l’eau pour la fin prochaine des projets de méga-bassines. Nous sortons renforcés par ce soutien massif et 4 fois plus nombreux qu’à la dernière mobilisation pourtant très importante à Sainte-Soline. No bassaran !

Ce qu’il s’est vraiment passé à Sainte-Soline malgré les mensonges de la préfecture et du ministre de l’Intérieur

Le lendemain de cette journée de mobilisation historique contre les méga-bassines, la Confédération paysanne, les Soulèvements de la Terre et Bassines Non Merci tiennent à rappeler les faits. Alors que des intox sont affirmées au plus haut niveau de l’Etat, nous avons vu et pouvons prouver : 
 

Une mobilisation historique de 30 000 personnes

 
Première intox de la préfecture, il y aurait eu 6000 manifestant-e-s et « 1000 individus radicaux violents » isolés du cortège.
Tous les journalistes, élu.e.s, observateurs présents sur place peuvent en témoigner, la mobilisation était largement plus importante. Nous comptions déjà 10 000 personnes sur le campement tôt samedi matin (avec des considérations logistiques de repas et approvisionnement qui peuvent en témoigner), et des milliers de personnes sont arrivées tout au long de la matinée.
 
Les 3 cortèges qui se sont formés au départ de la manifestation regroupaient plus de 25000 personnes. De nombreux autres manifestant.e.s, notamment les personnes qui venaient des sept convois en provenance des grandes villes (chacun composés de plusieurs centaines de véhicules) ont été entravées par la police et ont rejoint la manifestation après que les cortèges se soient élancés.
 
Nous arrivons donc facilement au chiffre de 30 0000 manifestant-e-s mobilisés pour la défense de l’eau. C’est 4 fois plus que la dernière mobilisation à Sainte-Soline. A chaque fois que la préfecture interdit, mais surtout à chaque fois que nous trouvons les gestes de désobéissance adéquat pour impacter les projets de bassines, les manifestations grossissent.
 
Les dizaines de milliers de personnes rassemblées hier sont venues de toute la France et d’Europe. Elles ont cheminé pendant 6km jusqu’au chantier pour l’entourer et l’arrêter. Le tout dans une ambiance créative, déterminée et en se tenant ensemble – loin du cliché vendu par Gerald Darmanin de 1000 individus isolés cherchant la violence. Il n’y pas d’« éléments radicaux » mais un peuple de l’eau qui se soulève.
 
 

Le désarmement collectif d’une pompe du chantier et des actions paysannes de plantage de haies et de montage d’une serre.

 
L’information a été noyée par le discours gouvernemental de diabolisation des opposant.es, mais une partie du cortège a brièvement pu pénètrer dans l’enceinte du chantier. Puis, à l’exterieur, c’est notamment une pompe centrale du dispositif venant d’être installée les mois précédents ainsi que plusieurs canalisations qui ont été démontées et mises hors d’état de nuire.
 
En parallèle, plus de 300 mètres de haies ont été plantées durant le cortège par les paysannes et paysans de la Confédération paysanne, car elles sont un moyen majeur pour retenir l’eau dans les sols. Une serre a également été montée sur une parcelle de Sainte-Soline pour montrer qu’il faut plafonner et prioriser l’eau. En effet, l’installation au maraîchage en Deux-Sèvres reste très difficile par manque d’accès à l’eau, accaparée par les promoteurs des bassines.
 

Une répression brutale et de nombreux.ses manifestant.e.s blessé.e.s

 
Tout ce qui suit peut être prouvé par les historiques d’appels, messages et témoignages concordants de dizaines de personnes dont des élu.es et paysan.ne.s. Les Observateurs de la Ligue des Droits de l’Homme ont également publiéun fil et bientôt un communiqué l’attestant et confirmant l’entrave par les forces de l’ordre.
 
Déni de démocratie, passage en force du gouvernement autant sur les retraites que sur les bassines, il ne reste que la brutalité policière et la violence politique du 49-3 au gouvernement. Sur les bassines, malgré des propositions de dialogue répétées depuis septembre 2021, le gouvernement n’a comme réponse que l’usage décomplexé d’armes de guerre contre ses opposants comme il l’a à nouveau prouvé hier.
 
Contrairement à ce qui a été annoncé par le ministre de l’Intérieur et la préfecture, ce ne sont pas 7 blessé.es, mais plus de 200 que nous recensons. Parmi eux, nous comptons au moins 40 blessé.es graves, une personne risque de perdre son oeil, beaucoup de plaies délabrantes aux jambes et au visage (machoires arrachées) provoquées par des grenades GM2L et des LBD. Une dizaine de personnes ont été transférées au CHU, une vingtaine de personnes avec leur pronostic fonctionnel engagé ou mutilées. 3 personnes ont même eu leur pronostic vital engagé. Nous sommes inquiets pour ces blessés, la priorité est et doit être à leur prise en charge.
 
 

SUR LE CAS SPÉCIFIQUE DE LA PERSONNE EN URGENCE ABSOLUE TRANSFÉRÉE AU CHU DE POITIERS ET L’ENTRAVE A L’ARRIVEE DES SECOURS PAR LES FORCES DE L’ORDRE

 
Une des personnes les plus gravement blessée aurait reçu une grenade GM2L au niveau de la tête. Entre le moment où elle a été blessée (13h30) et le moment où l’ambulance est arrivée (15h10), il s’est écoulé 1h40. L’hélicoptère du SAMU a décollé à 17h10, soit 3h40 plus tard. Le SAMU n’a pas pu intervenir plus tôt car il a été entravé par la police. Il est actuellement dans le coma après une intervention cette nuit, son pronostic vital reste engagé. Nous considérons que le gouvernement est doublement fautif de son état critique actuel et de ce qui pourrait encore survenir de pire.
 
Voici le détail des informations que nous avons pu recouper à ce propos auprès d’observateurs de la ldh, d’élus et de médecins de l’équipe médic de la mobilisation présents sur place :
 
La personne a été blessée aux alentours de 13h30 aux abords de la bassine.
 
Il y a eu au minimum 7 appels du SAMU et 3 appels aux 112, entre 13h35 et 14h50 demandant une intervention pour une urgence absolue. A deux reprises au minimum, l’opérateur SAMU répond qu’il a eu l’ordre du commandement de la gendarmerie de ne pas intervenir.
 
À 14h00, les manifestants décident collectivement de se replier pour prendre en charge les blessés. Les affrontements cessent à ce moment là et la zone redevient calme. 
 
A 14h50 une médecin urgentiste présente dans la manifestation demande un hélicoptère pour cette urgence absolue.
 
Une ambulance du SMUR finit par arriver à 15h10, et l’état du blessé ne permettant pas son déplacement, il ne part qu’à 16h10 après avoir été intubé et ventilé.
 
Il s’est déroulé plus d’une 1h30 entre le premier appel au SAMU faisant état d’une urgence absolue et l’arrivée de l’ambulance.
 
Ensuite, bien qu’au courant de l’urgence absolue du blessé et qu’il n’y ait pas d’autres blessés graves parmi les manifestants, le SAMU décide de garder l’ambulance sur place et déplacer le blessé au poste médical avancé de la Pommeraie au lieu de l’emmener directement au CHU de Poitier (il y aurait eu 40-45min de route pour aller à Poitiers).
 
Un avocat présent au poste médical de la Pommeraie avancé a vu l’hélicoptère du SAMU décoller à 17h10 vers Poitiers.
 
Il s’est donc passé au minimum 3h40 entre le premier appel SAMU et son arrivée au CHU de Poitiers.
 

La lutte internationale pour le partage de l’eau se poursuit

 
Nous réitérons notre demande d’arrêt immédiat des travaux et l’ouverture d’un dialogue sur la préservation et le partage de l’eau pour la fin prochaine des projets de méga-bassines. Malgré la brutalité inouïe du gouvernement, le mouvement s’est tenu face à l’adversité dans un niveau de mobilisation inédit. Et nous le disons : si le gouvernement s’obstine, nous reviendrons et continuerons à trouver les moyens que les chantiers s’arrêtent par des gestes de désobéissance toujours plus massifs. No bassaran

https://lundi.am/Ce-qu-il-s-est-passe-a-Sainte-Soline

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