Selon que vous serez…

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Les gouvernements occidentaux qui envoient des chars de combat pour sauver des vies ukrainiennes vont-ils continuer à signifier aux Palestinien·nes que leurs existences, elles, ne sont pas défendables ?

Sébastien Fontenelle • 1 février 2023

Article paru
dans l’hebdo N° 1743

Un manifestant de Gaza, le 26 janvier, qui proteste suite au décès de Palestiniens à Jénine, après l’offensive de l’armée israélienne.
© Ali Jadallah / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP.

Comme le rappelait le journaliste Louis Imbert, excellent correspondant du Monde à Jérusalem, dans un article publié par ce quotidien le 26 janvier, 194 Palestiniens ont été tués depuis un an en Cisjordanie occupée, par l’armée israélienne ou par des colons israéliens (1) enhardis par le retour au pouvoir, à la toute fin de l’année 2022, de Benyamin Netanyahou, désormais à la tête « du gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël », au sein duquel trônent des suprémacistes fanatiques et des racistes patentés.

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Soit, explique Louis Imbert, un niveau de violence « inégalé depuis la fin de la seconde Intifada », en 2005.

Et ça continue : le 26 janvier – le jour même, donc, où Le Monde publiait cette glaçante statistique –, neuf Palestiniens ont été tués durant l’attaque menée par l’armée israélienne contre le camp de réfugiés de Jénine – dans ce qui restera comme « le raid le plus violent » mené par cette armée « depuis deux décennies en Cisjordanie ». Parmi d’autres, raconte – encore – Le Monde, Abdallah
Al-Jboul, 17 ans, a été abattu par un sniper israélien : « Fils d’un mécanicien, il devait passer son bac cette année. »

Sur le même sujet : La France et l’extrême droite israélienne

Engrenage de la terreur : le 27 janvier, au lendemain de ce massacre, un Palestinien de 21 ans armé d’un pistolet a tué sept personnes près d’une synagogue, dans une colonie de la banlieue de Jérusalem. Titre du Monde, après cette abominable tuerie : « Une attaque meurtrière près d’une synagogue de Jérusalem-Est ravive le risque d’une escalade. » Titre de Libé, le lendemain : « Après l’attentat meurtrier contre une synagogue de Jérusalem-Est, la peur de l’engrenage. »

Mais n’est-ce pas plutôt la persécution impunie des populations soumises à ce que le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés nomme (2) « un apartheid » qui, jour après jour, année après année, entretient – bien plus qu’elle ne la « ravive », puisque cette molestation est permanente – ce « risque d’une escalade » ?

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Comme nombre d’autres observateurs et observatrices.

Il est vrai, la « communauté internationale » regarde ailleurs. Hypocrisie suprême : dans le moment précis où elle signifie très catégoriquement et très fermement (à très bon droit et à très juste titre) à Vladimir Poutine qu’en Ukraine il ne pourra plus continuer impunément à tuer des civil·es et à bombarder (notamment) leurs habitations pour conquérir des territoires, elle consent tout aussi nettement, par ses silences écœurants, à ce que l’armée israélienne perpètre contre une population parquée dans des territoires occupés les mêmes exactions qu’elle interdit (à si bon droit et à si juste titre) à l’armée russe.

Sur le même sujet : Palestine :  une guerre, trois fronts

Les mêmes gouvernements occidentaux qui envoient désormais des chars de combat pour sauver des vies ukrainiennes vont-ils continuer longtemps à signifier aux Palestinien·nes que leurs existences, elles, ne sont tout simplement pas défendables ?


Lire aussi, sur le sujet, le billet de Denis Sieffert.

https://www.politis.fr/articles/2023/02/selon-que-vous-serez/

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