Après le 19 janvier, quelle stratégie pour gagner le retrait de la réforme des retraites ?

19 janvier retaites

La rédaction

L’exécutif souhaite faire adopter sa réforme des retraites par le Parlement dans la seconde quinzaine de mars. Il reste donc huit semaines aux mobilisations pour obtenir un recul du gouvernement. Quelles sont les options qui seront discutées au soir du 19 janvier par l’intersyndicale ?

« L’enjeu, c’est de gagner contre cette réforme. Les premières remontées nous indiquent que le 19 janvierva être puissant. L’idée, c’est qu’après cette journée, d’autres salariés se disent qu’eux aussi peuvent y aller », explique Marie Buisson. Pour la candidate à la succession de Philippe Martinez à la tête de la CGT, la question première est de « convaincre les salariés que l’on peut gagner ». Et ce, parce qu’ils sont nombreux à pouvoir potentiellement se mobiliser dans la mesure où « 90 % des actifs sont contre le report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans et 60 % pensent que même 62 ans c’est un peu tard ».

« Le 19 janvier sera fort, les collègues sont massivement contre cette réforme des retraites et ils veulent le montrer. Par contre, plus encore que d’habitude, on sent qu’ils ne pensent pas qu’on va gagner. Or c’est difficile de faire durer une grève si les gens n’y croient pas », nuance Benoît Teste, le secrétaire général de la FSU.

Agir vite après le 19 janvier

Pour les syndicats, reste à trouver le rythme le plus adéquat pour faire grossir les rangs de la contestation après le 19 janvier. Car, de son côté, le gouvernement avance. Lundi 23 janvier, le projet de loi sera présenté en Conseil des ministres. Puis il sera débattu en séance publique à l’Assemblée nationale à partir du 6 février pour être voté vers la fin du mois de mars. Voire avant. En effet, le gouvernement a choisi d’utiliser un projet de loi de finances rectificatif de la Sécurité sociale pour faire adopter sa réforme. Ce qui présente deux avantages pour lui. D’abord, les textes budgétaires ne connaissent pas de limite à l’usage d’un 49-3. Il lui sera donc possible d’accélérer son adoption pour suspendre une guérilla parlementaire ou pour prendre de vitesse les mouvements sociaux. Ensuite, ce projet de loi de finances permet un examen rapide du texte : 20 jours à l’Assemblée nationale, 15 jours au Sénat.

Cet impératif de calendrier pousse certaines organisations syndicales à vouloir donner des suites rapidement, alors que l’intersyndicale se réunira jeudi soir. « Nous sommes pour une date rapprochée, pas pour attendre deux ou trois semaines », avance Marie Buisson de la CGT, avec en tête l’enjeu d’avoir « le temps d’emmener un maximum de salariés ». Mais si cette proposition allait de soi lors du dernier conflit des retraites, mené par l’arc syndical CGT, Solidaires, FSU, FO, il devient moins évident cette fois-ci, du fait de la présence de la CFDT. Les syndicats de lutte doivent donc jouer la carte de la grève, sans effrayer leur compagnon du moment, moins habitué à ce type d’action.

Si Marie Buisson assure que la CGT n’ira pas à la réunion de l’intersyndicale avec une date clef en main, la journée du jeudi 26 janvier circule comme une des options au sein de la direction confédérale. « Il est très probable qu’il y aura une grève dès la semaine prochaine. À la FSU, nous sommes pour », confirme Benoît Teste de la FSU.

Trouver un équilibre entre les secteurs

Une seule journée de grève par semaine suffira-t-elle à faire reculer le gouvernement ? Personne n’y croit et certaines fédérations de la CGT ont déjà annoncé des grèves plus longues, assorties de propositions de reconductibles. C’est le cas des syndicats de la chimie, qui annoncent 48 h de grève dès le 26 janvier et 72 h le 6 février, ou encore de la fédération de l’énergie, qui appelle à la grève reconductible dès le 19 janvier.

Pour autant, la confédération CGT, soucieuse d’élargir la contestation à l’ensemble des salariés pour remporter la bataille, estime qu’elle ne pourra pas calquer le calendrier de la grève sur ces seuls secteurs, même si ses syndicats y sont puissants. D’autant qu’une partie des fédérations qui ont animé les grèves de 2019 contre la précédente réforme (RATP, SNCF, Raffineries) ou avancé de prochaines dates sectorielles « ont besoin de sentir qu’il y a de la masse et nous disent ne pas vouloir d’une grève par délégation », explique Marie Buisson. Pour elle, le scénario ne peut pas être « trois secteurs qui mènent la bagarre pour les autres ».

La CGT souhaite donc composer entre des secteurs qui veulent aller plus vite et d’autres où les syndicats peinent davantage à mobiliser. Pour y parvenir, encore faut-il connaître précisément la réalité du terrain. Ainsi, le 19 janvier, le niveau des grèves dans les entreprises sera plus scruté que le nombre de manifestants. « Si jeudi on nous signale beaucoup de boîtes où c’est chaud et que ça discute reconductible, ce ne sera pas la même chose que si on a un 19 janvier massif, mais des syndicats qui nous disent avoir besoin d’un peu de temps pour discuter. Et d’une autre journée pour mobiliser », soutient Marie Buisson.

Conjuguer grève et manifestations le week-end

En plus de devoir trouver un équilibre entre les secteurs, il faudra aussi trouver un équilibre au sein de l’intersyndicale. La CFDT a déjà fait valoir ses options : des mobilisations le week-end. « À la CFDT, nous regroupons beaucoup de travailleurs de la deuxième ligne, ceux qui seront les plus impactés par la réforme. On va proposer à l’intersyndicale des mobilisations le week-end pour qu’ils et elles puissent participer », a déclaré Laurent Berger sur France Info lundi 16 janvier.

Une option qui sera étudiée jeudi soir. En attendant, la direction de la CGT n’est pas fermée à la proposition d’une mobilisation syndicale un samedi pour permettre d’élargir la mobilisation. Mais à condition que celle-ci reste ancrée dans la dynamique de construction des grèves. Un avis que partage l’Union syndicale Solidaires et la FSU. « Nous n’avons pas encore suffisamment confiance dans le niveau de mobilisation des collègues pour poser deux journées de grève la même semaine. En revanche, nous sommes pour appeler à faire deux actions fortes par semaines, dont une grève », suggère Benoît Teste.

Le syndicat, dont les effectifs sont surtout constitués d’enseignants, pourrait également être affecté par l’arrivée des vacances scolaires, qui auront lieu entre le 4 février et le 6 mars, en fonction des zones. « Cela ne nous inquiète pas plus que ça. Il y aura toujours une zone sur trois au travail et ce ne sont pas des vacances où les gens partent loin », indique le secrétaire général de la FSU. Pour autant, cela fera partie des éléments de l’équation à inconnues multiples qu’aura à résoudre l’intersyndicale au soir de la mobilisation du 19 janvier.

Guillaume Bernard et Stéphane Ortega

https://rapportsdeforce.fr/classes-en-lutte/apres-le-19-janvier-quelle-strategie-pour-gagner-le-retrait-de-la-reforme-des-retraites-011815887

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