Arthur 23 juin 2020 69 3 658 2 minutes de lecture

Longtemps nous avons pris le souverainisme au sérieux. Nous nous sommes épuisés dans des débats théoriques sur ce qu’est une Nation, un Peuple, sur les cadres possibles d’exercice d’une démocratie. Mais tout ceci n’avait aucun sens. Il n’y a rien derrière le souverainisme. Ce n’est qu’un cadre d’argumentation dans lequel loger tendrement des images d’Epinal.
Au Royaume-Uni, le Brexit devait libérer le pays de la dictature de Bruxelles. Depuis, les gouvernements britanniques peinent à définir quel est leur chemin national et font l’expérience qu’ils n’ont plus les moyens de leurs ambitions. Les Européens ne cèdent pas dans les négociations, les Australiens et les Japonais sont d’accord pour discuter une fois seulement qu’un accord aura été conclu avec l’Europe, et les Etats-Unis exigent pour un traité de commerce la fin des normes alimentaires et la privatisation du NHS. Les souverainistes avaient vendu le retour à la grandeur impériale, ils se découvrent un pays du Commonwealth parmi d’autres.
En France, l’événement intellectuel de cette rentrée des classes estivale est la parution de Front Populaire. Cette revue rassemble selon les termes même de Michel Onfray tous ceux qui n’ont pas « défendu Maastricht ». Pourquoi faire ? A lire la première couverture, le souverainisme promet de nous guérir des pandémies, de l’oligarchie, de l’illettrisme, du communautarisme, du néolibéralisme, de la mondialisation, de l’immigration et de la paupérisation. Mieux que la chloroquine !
Nous serons ravis d’apprendre comment la sortie de l’Europe est un préalable nécessaire pour résister aux pandémies mieux que les autres pays de l’UE, faire face à notre oligarchie qui sans doute n’existait pas avant Maastricht, lutter contre l’illettrisme alors que nos dépenses par élève sont déjà dans la moyenne de l’OCDE et inférieures aux autres pays européens, lutter contre le néolibéralisme alors que nos prélèvements obligatoires sur les entreprises ne sont guère aujourd’hui que les plus élevés de l’OCDE, nous opposer à la mondialisation, ce que ne font pas les autres pays développés du monde, faire barrage à l’immigration grâce à nos vaillants douaniers qui ont laissé entrer sur le territoire plus de 2 millions de migrants illégaux avant Schengen, une paille, et nous sortir de la paupérisation alors que là encore, nos transferts sociaux sont parmi les plus élevés du monde.
On en est rendus là. Le souverainisme guérit les écrouelles. Comment ? Rien de concret. De vagues incantations sur le fait que « le Peuple » doit retrouver sa maîtrise, et c’est tout. Maîtrise qui lui a été ôtée par l’Europe, mais aussi la Constitution et les déclarations des Droits de l’homme, éléments dûment pointés dans ce premier numéro. La souveraineté vise large, et l’exemple Brexit avec la redéfinitions de « droits de l’homme Britanniques », est là pour nous montrer que le Parlement et les « politiciens » sont également des freins à l’exercice de la volonté populaire. Il faut simplement faire confiance aux auteurs de Front Populaire, car ce ne sont pas des élites parisiennes, mais des gens ancrés dans le réel, de la glaise de Caen aux hôpitaux de Marseille (et on le suppose, l’immeuble du Figaro).
Et tout ceci se conjugue sur fond d’histoire longue totalement fantasmée, comme l’a montré la connivence de plateau entre Onfray et Zemmour. Ces derniers se sont donnés mutuellement quitus de l’exactitude de leurs visions historiques, qui pourtant s’opposent terme à terme entre le pourfendeur des religions admirateur de Baboeuf, et le défenseur du massacre des protestants et tenants des chouants. La réalité historique, ou même la cohésion de l’histoire racontée n’a plus même d’importance. La dernière chose qui compte est de disposer d’un patrimoine de référence auquel puiser, du temps que la France était grande. Le souverainisme n’est pas un projet politique, c’est une virée au Puy du Fou.

Arthur
Arthur est vice-président de Sauvons l’Europe, rédacteur en chef du site
https://www.sauvonsleurope.eu/du-souverainisme-comme-conte-pour-vieux-enfants/
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