Mobilisation du 16 juin : « l’hôpital de demain se construit aujourd’hui »

Stéphane Ortega

Des dizaines de milliers de soignants se sont mobilisés dans plus de 200 rassemblements sur l’ensemble du territoire ce mardi 16 juin. Un premier retour dans la rue, portée surtout par les personnels paramédicaux, après trois mois de mobilisation contre le coronavirus qui avait interrompu plus d’un an de lutte, pour de meilleures conditions d’exercice de leurs métiers.

Une belle énergie, la vie après l’enfer du Covid-19 où tout a manqué. Dès 10 h, quelques 1500 personnes se rassemblent devant l’hôpital Saint-Éloi de Montpellier à l’appel d’une intersyndicale hospitalière CGT, FO, CFDT et UNSA. Une longue déambulation commence. Elle passe d’un hôpital à un autre : Gui de Chauliac, La Colombière, Lapeyronie jusqu’à Arnaud de Villeneuve, où un rendez-vous avec l’ensemble de la population est fixé.

«De mémoire de soignants, c’est du jamais vu » assure Hervé Floquet infirmier en psychiatrie depuis 20 ans et responsable CGT. Le cortège qui ne cesse de gonfler traverse alors bruyamment l’hôpital psychiatrique de la Colombière. « Les tournées de services ont montré un grand intérêt des collègues », explique-t-il. Un intérêt palpable à chaque étape de la matinée. Des blouses blanches, ou bleues pour les personnels de blocs, sortent des bâtiments pour une heure de débrayage le temps de rejoindre le flot des manifestants. Certaines infirmières ou aides-soignantes sont venues sur leur jour de congé. D’autres iront travailler ensuite cet après-midi. En tout cas, le bonheur de se retrouver est palpable, la détermination aussi.

Sous les masques, la rage !

« Que l’on nous donne les moyens de mieux travailler », lance Patricia, une aide-soignante, pour expliquer les raisons de sa présence aujourd’hui. « Avec les fermetures de lits, tout le monde se barre », assure-t-elle. Le manque de reconnaissance est dans toutes les bouches. La prime différenciée selon les régions ou « l’exposition » au Covid est ici vécue comme une insulte supplémentaire. Les médailles ou le défilé des soignants le 14 juillet comme du mépris. Loin de calmer les ardeurs, elles donnent du carburant à la mobilisation.

« Cela fait trois mois que l’on nous prend pour des cons », s’énerve Mélanie. Aide-soignante dans le secteur privé depuis huit ans, elle considère que les soignants ne sont toujours pas entendus. « Nous voulons des moyens pour nos patients », résume-t-elle. Ses collègues à côté d’elle, toutes masquées, acquiescent. Au même moment, une partie des paramédicaux se détache du gros des troupes pour aller crier leurs exigences de revalorisation salariale devant le bâtiment qui accueille le centre administratif de l’hôpital.

Au moment des retrouvailles avec l’ensemble de la population lors du rendez-vous de midi, plusieurs milliers de personnes écoutent les prises de paroles syndicales. « L’hôpital de demain se construit aujourd’hui », est-il affirmé au micro. Ovation ! La synthèse des revendications des soignants est rappelée : reconnaissance salariale pour rendre attractives les professions du soin, reconnaissance des qualifications, arrêt des fermetures de lits, embauche de personnel correspondant aux besoins. Un cortège se forme ensuite : direction le centre-ville. Sur le parcours, comme depuis le début de matinée : des applaudissements aux fenêtres et des coups de klaxon en signe de soutien.

Des dizaines de milliers à Paris et dans toute la France

Il n’y a pas qu’à Montpellier que la mobilisation est un succès. À Toulouse, autour de 5000 personnes ont défilé à partir de 14 h au départ des Allées Jean Jaurès, lieu traditionnel des rendez-vous de manifestation. Ici, éloignement géographique des hôpitaux oblige, moins de soignants ont pu se joindre aux cortèges. Les débrayages d’une heure étant inopérants. À Rennes, 1300 personnes selon la police, 3000 à 4000 selon les syndicats ont été empêchés de manifester en direction du centre-ville par les forces de l’ordre, et ce malgré la décision du Conseil d’État ce week-end qui lève les restrictions à ce sujet.

@sylvainesalliou

Les CRS attendent les manifestants et les empêchent de défiler. « Vous nous avez applaudis tous les soirs, on vous soigne, nous sommes avec vous laissez-nous passer » demandent les Manifestants #soignants #renneshttps://twitter.com/i/status/1272852697805467648

À Paris, le rendez-vous était donné à 13 h 30 à côté du ministère de la Santé. Un imposant défilé de plusieurs dizaines de milliers de personnes est parti en direction des Invalides. Des accrochages ont eu lieu entre quelques manifestants et la police qui a fait usage de gaz lacrymogène. Aux Invalides, les soignants ont donc goûté aux lacrymogènes et même à des charges de police avant leur dispersion. Pour autant, le succès de leur mobilisation est indéniable et devrait connaître des lendemains, d’autant que le « Ségur de la santé » apparaît aux yeux des manifestants comme une imposture. Lundi 15 juin, la veille des manifestations, syndicats et collectifs se sont réunis : la proposition de prochaines échéances les 30 juin et 14 juillet, mise sur la table par la CGT, pourrait devenir commune.

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