Comment l’Éducation nationale a participé à la répréssion du mouvement lycéen

Publié le 23 décembre 2018 | Mis à jour le 27 décembre

Alors que les lycéen.ne.s toulousain.ne.s sont largement mobilisé.e.s contre la réforme du bac et de Parcoursup, la police, Tisséo, mais aussi les établissements scolaires se sont rejoints pour contenir la contestation et pénaliser les grévistes. Cet article porte plus spécifiquement sur le rôle joué par le rectorat et des administrations dans la répression de ce mouvement.

Depuis le lundi 3 décembre, les lycéen.ne.s ont utilisé plusieurs moyens pour faire entendre leurs revendications : assemblées générales, blocages, manifestations. Dès la première semaine de manifestations, la police a instauré un haut niveau de répression : surveillance des lycées, gazage systématique en manifestation, arrestations… En parallèle, Tisséo a interommpu les transports chaque jour de manifestation, dans le but de couper l’accès des manifestant.e.s au centre ville.

Dans ce contexte de répression, quel a été le rôle du rectorat et de l’administration des lycées ? Fichage, lettres au parents, plaintes à la police, accueil des renseignements généraux, dénonciations, privations des services du lycée… Un aperçu des réactions dans les différents lycées :

 Lycée Saint Exupéry (Blagnac), cinq lycéens mis en examen

Suite à l’incendie qui a détruit l’entrée du lycée, le proviseur décide de porter plainte contre des élèves du lycée. Dans une vidéo de France 3 régions du jour même, il déclare avoir reconnu des élèves du lycée. La même semaine, il annonce que l’identification des responsables de l’incendie les privera du « droit à l’école ». Les procédures disciplinaires du lycée sont ainsi menée de concours avec la procédure judiciaire sur l’incendie.

Mardi 11 décembre, la police est allée réveiller 12 élèves chez eux afin de les conduire en garde à vue. Des gardes à vues qui ont pour certaines duré 48 heures. Au total, ce sont 19 élèves qui sont passés par le commissariat.

Parmi les 19 élèves, cinq sont mis en examen. Le chef d’inculpation : « destruction par moyen dangereux pour les personnes et participation à un groupement formé en vue de préparer des actes de violences ou destruction ou dégradation de biens ».

 Lycée des Arènes : la DASEN demande des noms !

Le lycée des Arènes, comme à son habitude est un des lycées les plus mobilisés de Toulouse. Dès le début du mouvement, les lycéen.ne.s se sont organisé.e.s en assemblées générales qui votent chaque jour la poursuite du blocage.

Ces assemblées générales sont suivies via les réseaux sociaux par les profs, les AED, toute l’administration. Si bien que les décisions de l’AG sont respectées par l’ensemble de l’administration, y compris par le proviseur.

La deuxième semaine, le blocage est voté jusqu’au vendredi. Le mercredi 12 décembre, l’ensemble de l’équipe educative se voit informé d’une requête de la DASEN (Direction Académique des Services de l’Education Nationale, donc les services du recorat). La DASEN demande à l’administration des Arènes de fournir une liste de 15 noms, adresses, noms des parents des 15 lycéen.ne.s identifié.e.s comme leader/leadeuse dans le mouvement. Cette demande intervient alors que le lycée des arènes est le dernier lycée bloqué à Toulouse.

Il est signifié à l’équipe éducative que ces élèves vont recevoir une lettre du procureur.

 Lycée Rive Gauche (Mirail) : un élève majeur arrété en dehors du temps scolaire et jugé en comparution immédiate

Le blocage a commencé lundi 3 décembre. Des CRS sont de suite intervenus et ont gazés les lycéen.ne.s.

Le blocage se poursuit le lendemain. Feux de poubelles, petards… Des élèves sortent sur le rond-point de la Cépière pour bloquer, quelques minutes, la rocade. Au retour, un élève est brulé au visage (surement par un feu de poubelle).

Le mercredi, peu d’élèves. Dans les couloirs de l’administration, on entend « De toute façon, on a tout, les vidéos, les noms… ». Une lettre est envoyé le même jour aux parents d’élèves, rappelant que les cours se poursuivent, que les élèves seront notés absents et que les élèves absents n’auront accès ni à la cantine, ni à l’hébergement.

Le soir, un lycéen est interpellé par la police en allant chercher sa sœur à l’école. On ne sait pas qui a donné son nom à la police. Il est gardé en garde à vue pendant 48h, on lui met sur le dos la totalité de la mobilisation (les blocages du rond point et de la rocade, le caillasage d’une voiture de police, les feux de poubelles). Il passe en comparution immédiate et est blanchi par le juge, mais le procureur fait appel.

Jeudi 6 décembre, il est annoncé qu’un groupe de lycéen.ne.s arrive du centre ville pour « tout casser dans le lycée ». Panique dans le lycée, qui est alors mis sous confinement, personne ne rentre, personne ne sort. Les profs en profitent pour faire une assemblée.

La semaine qui suit, le mouvement de grève est suivi par plusieurs enseignant.e.s et personnels du lycée. Les élèves et personnels font la demande d’une discussion avec la proviseur, demande refusée, dialogue impossible.

 Lycée Gallieni, le lycée qui porte bien son nom

Le lycée Gallieni, du nom du commandant et administrateur colonial, porte bien son nom. Le lycée accueille de nombreuses filières professionnelles et technologiques, et donc une majorité d’élèves appartenant aux classes populaires. C’est, indépendamment des mouvements lycéens, un haut lieu des nouvelles normes répressives que mettent en place les rectorats pour cadrer les élèves dits difficiles (caméras de surveillance, double portique, sanctions d’exemplarité…)

Lundi 3 décembre, le lycée est bloqué. La police intervient devant le lycée dès le premier jour.
Le CPE et l’AMS (l’éduc’ du lycée) regardent les caméras portées sur l’extérieur du lycée et communiquent le nom des lycéens mobilisés à la police.

Le mercredi 12, les AED ont reçu des consignes à appliquer : fouille des sacs à l’entrée et à la sortie de l’établissement, fermeture du lycée avec des chaines pendant les cours.
10h : blocage alors que les cours ont déjà commencé. Des élèves ramènent des poubelles, on entend quelques pétards. L’administration est sur les dents. La principale adjointe appelle les CRS.
Une fois la fin de la récré, les CPE et l’administration incitent tou.te.s les élèves à rentrer à l’intérieur. Beaucoup restent dehors. C’est l’alerte générale à l’intérieur, ambiance de guerre et confinement alors qu’il reste peu d’élèves dehors.
Pas d’entrée, pas de sortie. En plus, les lignes de transport étaient arrétées sur le trajet du lycée. Résultat : les élèves sont resté.e.s 4 heures dans le froid et la pluie, sans pouvoir se déplacer, sans pouvoir manger.
Par la suite, la situation s’est apaisée. Les lycéen.ne.s internes qui ont attendu devant le lycée ont pu rentrer, manger, et être hébergés, mais pas celles et ceux qui sont rentré.e.s chez elleux.

 Lycée Raymond Naves (Croix Daurade), des RG à l’intérieur du lycée

On retrouve la même peur, comme dans d’autres établissements, de voir débouler une horde de lycéen.ne.s assoiffé.e.s de poubelles en feu. Les AED sont mobilisés aux portails. Le mercredi 5 décembre, on leur demande de noter les noms de chaque personne rentrant dans le lycée.
Des renseignements généraux on été aperçus dès la première semaine de mobilisations aux alentours du lycée. Plusieurs ont même été aperçus à l’intérieur. Un RG a même été invité à visiter le lycée.
On a aussi vu des EMS (équipes mobiles de sécurité), tout comme à Gallieni. Il s’agit d’un dispositif mis en place en 2009 résultant du partenariat entre les rectorats et le ministère de l’intérieur.
Leur objectif est de renforcer la sécurité dans les établissements en « situation de crise ».

P.-S.

Merci de corriger/ Compléter cet article avec vos propres informations !

https://iaata.info/Comment-l-Education-nationale-a-participe-a-la-repression-du-mouvement-lyceen-2980.html

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