Mieux vaut en rire…

11 févr. 2016 Par Jean-Pierre Anselme Blog : A L’ABORDAGE !

Contre le projet de déchéance de la nationalité, il y a les « armes de l’intelligence, la non-violence, l’honneur et… l’humour », comme le revendiquent les 500 signataires d’une lettre ouverte à François Hollande à qui ils demandent… la déchéance de leur nationalité. Humour encore, de la part d’un collectif saintongeais qui revendique la nationalité éthiopienne « en vertu du droit du sang »…

1-178.jpg

Tout commence avec un éditorial de Bob Siné, dans Siné Mensuel de janvier, où le dessinateur et caricaturiste politique ouvre le feu : « J’aimerais beaucoup être déchu de ma nationalité. Je n’en ai qu’une, mais c’est une de trop. J’aimerais être apatride, libéré de cette estampille que je n’ai pas choisie. » […] Et de conclure par cet appel : « Brulons nos papiers d’identité. Effaçons toutes traces d’appartenance à une quelconque nation. Devenons des êtres humains sans étiquette… et crachons à la gueule des tous les nationalistes. »

Message reçu… sur l’île d’Oléron, en Charente-Maritime, par Jean-Marc Raynaud, membre de la Fédération anarchiste et responsable des Éditions libertaires (ICI). Inspiré par l’édito de Siné, il écrit de sa plus belle plume une lettre, signée avec quatre autres compères, au Président de la République, pour lui demander officiellement leur déchéance de nationalité (texte intégral à la suite de cet article).

Dans leur missive, envoyée à l’AFP et largement reprise par les médias, ils accusent François Hollande de « jouer avec les allumettes ». « Si demain le pouvoir va à l’extrême droite, elle n’aura pas à faire ses propres lois, elles existeront déjà. C’est irresponsable politiquement. On n’a pas le droit de jouer avec les valeurs de la République. Même si je suis anarchiste, je suis un républicain dans l’âme », accuse Jean-Marc Raynaud. « Ma démarche est purement symbolique, assure-t-il, Je ne veux pas interpeller le gouvernement, je n’y ai jamais cru, mais je veux ouvrir les yeux au peuple. Je veux parier sur son intelligence. »

Retour à l’envoyeur, en quelque sorte, découvrant l’existence de cette initiative sur le Web, Siné rejoint ses premiers signataires et explique au Monde que c’est « une manière de dire qu’on ne peut plus vivre dans ce pays stupide, qu’on ne sait plus où on en est, que les migrants sont traités comme des voyous, même si on n’en est pas encore à vouloir leur piquer leur pognon comme au Danemark ».

Trois semaines après sa publication, 500 personnes ont rejoint les FTP (Francs Tireurs et Partisans d’une citoyenneté mondiale).

DESCENDANTS DE LUCY

L’humour est communicatif. C’est de Saintes, à quelques kilomètres de l’Ile d’Oléron, que vient d’être catapultée une « Lettre ouverte au Président de la République sur la binationalité » ((texte intégral à la suite de cet article) par le Collectif saintongeais contre la prolongation de l’état d’urgence, la déchéance de nationalité et leur constitutionnalisation. Créé lors d’une réunion informelle le 3 février, il réunit une vingtaine de militant-e-s de la Ligue des Droits de l’Homme, du Parti de gauche, d’Attac, de Stop Tafta, notamment. « Nous avons choisi l’arme de la dérision et de l’absurde pour nous faire entendre, explique Jean-Yves Boiffier, militant d’Attac et président du salon du livre de Saintes, face à une situation qui laisse beaucoup de gens de gauche un peu désemparés. »

Dans leur courrier, les membres du collectif informent François Hollande qu’ils ont « entrepris auprès de l’ambassade concernée les démarches légales nécessaires pour obtenir la nationalité éthiopienne. Et nous l’obtiendrons sans peine en vertu du droit du sang puisque, parmi nos ancêtres comme parmi les vôtres, figurent des éthiopien-ne-s : la science a prouvé depuis longtemps que tous les êtres humains sans exception descendaient de Lucy, dont le squelette âgé de 3 millions d’années a été découvert en 1974 précisément en Éthiopie ».

« Vous pouvez ainsi d’ores et déjà nous compter au nombre de tous les binationaux sur lesquels vous faites peser la lourde menace de déchéance et dont nous partageons, solidaires dans les actes, le sort. Selon votre pouvoir bientôt constitutionnellement discrétionnaire, votre humeur nous « renverra » en Afrique, terre de nos ancêtres. Nous livrons ainsi notre sort entre vos mains. »

L’humour, comme arme fatale pour dénoncer les crétins et démasquer les imposteurs ? Pour l’écrivain chilien, Luis Sepulveda, emprisonné puis exilé de son pays par le régime du général Pinochet, dans les années soixante-dix., « l’humour a toujours été un facteur essentiel de propagande dans les luttes contre la dictature ».

*

LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

SUR LA BINATIONALITÉ

Collectif saintongeais contre la prolongation de l’état d’urgence,

la déchéance de nationalité et leur institutionnalisation

Saintes, le 10 février 2016

Monsieur le Président,

Vous avez reçu récemment – les médias s’en sont amplement fait l’écho – une lettre d’anarchistes hurluberlus vous demandant de les déchoir de leur nationalité française. Tout en savourant l’humour qui en émanait mais qui frisait parfois un regrettable manque de respect à l’endroit de votre fonction, il était évident que les signataires de ladite lettre savaient pertinemment que leur demande n’aboutirait pas, divers traités signés par la France lui interdisant de créer des apatrides.

Notre démarche est bien différente : par la présente, nous vous informons que nous avons entrepris auprès de l’ambassade concernée les démarches légales nécessaires pour obtenir la nationalité éthiopienne. Et nous l’obtiendrons sans peine en vertu du droit du sang puisque, parmi nos ancêtres comme parmi les vôtres, figurent des éthiopien-ne-s : la science a prouvé depuis longtemps que tous les êtres humains sans exception descendaient de Lucy, dont le squelette âgé de 3 millions d’années a été découvert en 1974 précisément en Éthiopie.

Vous pouvez ainsi d’ores et déjà nous compter au nombre de tous les binationaux sur lesquels vous faites peser la lourde menace de déchéance et dont nous partageons, solidaires dans les actes, le sort. Selon votre pouvoir bientôt constitutionnellement discrétionnaire, votre humeur nous « renverra » en Afrique, terre de nos ancêtres. Nous livrons ainsi notre sort entre vos mains.

Nous ne saurions toutefois conclure cette lettre sans vous inciter à suivre notre exemple : la politique que vous menez risque fort de faire élire dans quinze mois une femme qui a la déchéance de nationalité facile et dont, malgré tout ce que vous aurez fait pour elle, vous serez sans doute la victime la plus expiatoire.

Bienvenue en Éthiopie, Monsieur le Président.

POUR SIGNER CETTE LETTRE ENVOYER UN MAIL À : saintes.ethiopie@gmail.com

*

DEMANDE DE DÉCHÉANCE DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE

FTP (Francs Tireurs et Partisans d’une citoyenneté mondiale)

Monsieur le Président, nous vous faisons une lettre que vous lirez peut-être si vous avez le temps.

Nous sommes nés dans ce pays, la France, par hasard. Nous n’avons choisi ni de naître, ni de naître en France. Il en va ainsi de tous les êtres humains. Jusqu’à présent, ce non-choix ne nous posait pas de trop gros problèmes. Nous aurions pu tomber plus mal.

Depuis déjà quelque temps, cependant, entre Notre-Dame-des-Landes et la condamnation de syndicalistes à de la prison ferme, nous avions quelques doutes sur votre capacité à faire rêver d’une France dite pays des droits de l’homme. Vous nous accorderez de ne même pas parler de socialisme. Avec votre dernier tripatouillage politicard à propos de la déchéance du droit de nationalité, les choses sont claires. Vous jouez avec les allumettes. Vous savez que les terroristes se moquent comme de leur première chemise d’être déchus ou non de… Et pourtant, vous êtes en train de mettre en place un arsenal juridique démagogue qui assigne aujourd’hui à résidence des écolos et des syndicalistes et qui, demain, se retournera contre vous.

Rappelez-vous, Martin Niemöller. Libéré des camps par la chute du régime nazi, en 1945. Il est l’auteur de Quand ils sont venus chercher… faussement attribué à Bertold Brecht. Il disait : « Lorsque les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit,… je n’étais pas communiste. Lorsqu’ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit,… je n’étais pas syndicaliste. Lorsqu’ils sont venus chercher les juifs, je n’ai rien dit,… je n’étais pas juif. Lorsqu’ils sont venus me chercher, … il ne restait plus personne pour protester. »

Monsieur le Président, demain, quand ceux que vous prétendez combattre seront au pouvoir, ils se contenteront d’appliquer vos lois. Comment ne comprenez-vous pas cela ? Par voie de conséquence, comme nous le permet encore la Constitution, nous nous déclarons en situation d’insurrection.

Par la présente, veuillez recevoir notre demande de déchéance de la nationalité française. Pourquoi ?

Nous autres, Français de hasard, ne voulons plus être français tant que vous incarnerez cette idée de la France.

Par la présente, nous vous informons également de notre volonté de créer dans les plus brefs délais une carte d’identité et un passeport de citoyen du monde.

Monsieur le président, prévenez vos gens d’armes, que nous serons lourdement armés de ces armes de destruction massive que sont l’intelligence, la non-violence, l’honneur et… l’humour. Et que nous n’hésiterons pas à tirer ! Avec ces armes là !

POUR SIGNER CETTE LETTRE : ICI

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.