POUR NE PAS OUBLIER … parce que nous n’aurons que ce que nous prendrons !

Posté par 2ccr le 30 octobre 2015

Air France aujourd’hui, les « Conti » et bien d’autres hier, demain à qui le tour ? Vous peut-être ? Le climat social devient de plus en plus tendu à chaque nouveau plan de licenciement et de liquidation des salariés. Et à chaque fois, une belle unanimité se fait jour dans les médias ainsi qu’au gouvernement et dans l’opposition pour exprimer indignation et condamnation face aux « violences » qui auraient été exercées par des salariés en colère. Tous poussent des cris d’orfraies et rappellent, l’état de droit et le respect des lois. Le respect des lois écrites et votées par une élite, pour une élite, des lois pour protéger le système capitaliste. Mais c’est parce que le peuple, au cours de l’histoire, n’a pas respecté les lois que l’on voulait lui imposer, qu’il a pu s’émanciper et améliorer son sort. Pour la caste dirigeante la violence physique est insupportable, alors que la violence sociale est totalement légitime, il n’y a aucune violence à jeter à la rue des milliers de personnes dès l’instant où les actionnaires sont satisfaits. Face à la morgue et à la violence de la classe patronale répond la violence de classe des salariés. Peut-il en être autrement face à tant d’inhumanité, d’arrogance et de mépris ?

Il ne serait pas inutile, dans un contexte d’amnésie collective entretenue par nos gouvernants et les médias, de rappeler que l’histoire du mouvement ouvrier et de ses conquêtes, depuis ses origines jusqu’à nos jours, a été ponctuée de violences et de répressions : les journées de juin 1848, la Commune de Paris en 1871… Est-il si loin le temps où l’armée tirait sur les grévistes et les enfants de Fourmies (1891) ? Est-il si loin le temps où l’on pendait à Chicago les travailleurs en lutte pour la journée de 8 heures (1886) ? Cet événement est à l’origine de nos défilés du 1er mai. Sur une stèle du cimetière de Waldheim, à Chicago, sont inscrites les dernières paroles de l’un des syndicalistes condamnés, Augustin Spies : « Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui ».

Est-il si loin le mois de juin 1936 avec ses occupations d’usine par les grévistes ? Est-elle si loin l’année 1948 qui vit le monde du travail s’embraser en France ? Des dockers de Marseille aux sidérurgistes lorrains ou aux pêcheurs bretons, sans oublier les houillères du Nord-Pas-de-Calais et du centre de la France, toute la classe ouvrière s’était soulevée face à un gouvernement qui avait beaucoup demandé pour l’effort de reconstruction d’après-guerre, mais refusait de donner en échange. La répression fut sauvage (le gouvernement et la presse de l’époque n’hésitaient pas à parler de grève insurrectionnelle). Jules Moch, ministre socialiste de l’Intérieur, envoya les CRS et les blindés avec autorisation de tirer sur les grévistes. Il y eut des milliers de blessés, des dizaines de morts, plusieurs centaines de mineurs emprisonnés et trois mille d’entre eux licenciés. Et enfin, sont-elles si loin les journées chaudes de mai 1968 ?

Quels intérêts défendent aujourd’hui ces syndicats dont les dirigeants déclarent avoir honte ou s’indigner de violences indignes ? Condamnent-ils avec la même force et la même indignation la violence faite aux travailleurs par le patronat et ses serviteurs zélés ?

Le capitalisme s’est instauré par la violence et ne peut perdurer que par la violence. La constitution d’une société capitaliste, de par son mode de production, légitime les pires exactions à l’encontre des travailleurs. Il ne faut donc pas faire semblant de s’étonner quand ces mêmes travailleurs relèvent la tête résolument pour s’opposer, parfois vigoureusement, à l’exploitation féroce dont ils sont l’objet afin d’instaurer un monde plus juste. « Le droit à sa colère et la colère du droit est un élément du progrès » écrivait Victor Hugo.

Il ne serait pas inutile de rappeler aussi que les « valeurs républicaines » dont aiment à se parer nos gouvernements de droite comme de gauche, reposent sur des fondamentaux acquis par la lutte et la révolte populaire.

La Révolution française débute par un acte éminemment insurrectionnel (la prise de la Bastille commémorée consensuellement tous les ans) et se poursuit jusqu’au 9 thermidor par des discours, des écrits, des constitutions, etc., mais aussi par des émeutes et des soulèvements (10 août 1792, par exemple) : « À quoi d’autre devons-nous la liberté qu’aux émeutes populaires ? » (Jean-Paul Marat, L’Ami du Peuple, 10 novembre 1789).

L’histoire de la construction républicaine est ponctuée d’émeutes, d’insurrections et de conflits parfois violents : juillet 1830, février 1848, loi de séparation des Églises et de l’État (1905), loi Weil (1975)…

Sans oublier non plus que le programme du Conseil National de la Résistance n’aurait pu voir le jour sans la lutte armée contre l’occupant nazi et l’État français du maréchal Pétain. Programme élaboré par des personnes qui avaient expérimenté de près jusqu’à quel degré de barbarie le capital était capable d’aller pour engranger toujours plus de profits et mettre les peuples à leurs bottes. La nationalisation de grands moyens de production (Air France est devenue propriété de l’État à la Libération) et la création des garanties collectives et la protection sociale des travailleurs que les néo-libéraux ne cessent de rogner et de vouloir mettre à bas depuis, sont nées de ce programme.

N’oublions jamais que ce qui fait les bonnes réformes, c’est quand la classe populaire montre les dents. En fait, les partis institutionnels et nos hommes politiques n’ont pas envie de grands mouvements populaires qui s’émanciperaient de leurs tutelles, et il faut se souvenir que les grandes avancées sociales ont été arrachées par la lutte, et non par la volonté d’un gouvernement, fût-il de gauche. Les classes dirigeantes ont peur de la colère du peuple, s’ils veulent des sanctions exemplaires contre les éléments les plus vindicatifs c’est qu’ils ont peur, ils ont peur de la violence populaire car au fond d’eux ils savent qu’elle est légitime !

La démocratie du système, telle qu’elle est, est en crise car elle produit sans cesse des politiques à l’image de la classe dominante. Tant que l’on accepte cet état de fait, il devient très compliqué de se battre contre les politiques menées par les gestionnaires de l’Etat bourgeois. Il faut construire une autre forme de légitimité démocratique, celle du bas vers le haut. N’oublions jamais que nous n’aurons que ce que nous prendrons, et tant que nous resterons dans les clous et les limites fixées par nos exploiteurs, nous n’obtiendrons rien !

« On parle toujours de la violence du fleuve, jamais de celle des berges qui l’enserrent. »… Bertolt Brecht

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