Pour Rémi Fraisse : oser la vérité et la justice !

Communiqué de presse du syndicat de la magistrature

publié le 26 octobre 2015, mis à jour le 26 octobre 2015

Il y a un an, Rémi Fraisse décédait à Sivens, touché par une grenade offensive de la gendarmerie. Alors que l’urgence était à la recherche de la vérité, le brouillard autour des circonstances du décès a été entretenu par les officiels pendant les heures et les jours qui ont suivi. Et jusqu’au plus haut niveau de l’Etat, l’institution a écarté, aussitôt et sans nuance, la possibilité d’une dérive mortelle dans l’usage de la force sur la ZAD.
Le réflexe est classique : l’institution étouffe à la source jusqu’à l’interrogation de sa propre responsabilité et de celle de ses agents. Sans même attendre les résultats de l’enquête judiciaire. Comme trop souvent face aux décès intervenus au cours d’interpellations policières, la même mécanique est à l’œuvre. Faite de déni et parfois même d’obstruction, elle nourrit un sentiment d’injustice.
Injustice face à des drames qui, ne ressortent pas de la seule action immédiate des agents mais s’enracinent dans des techniques, des armements et des organisations de l’activité policière qui contredisent si violemment sa fonction de secours et de protection.
Injustice face à une institution judiciaire à la peine pour instruire et juger, en temps utile et en toute objectivité, ces affaires qui mettent en cause la légitimité de l’usage de la force au nom de l’ordre. De la famille d’Ali Ziri, cet homme de 69 ans décédé à Argenteuil en 2009 aux proches de Rémi Fraisse, ces familles endeuillées attendent de la justice qu’elle donne des gages d’investigations authentiques, mette tout en œuvre pour établir la vérité et ne donne aucune prise à l’idée d’un traitement différencié, ni du fait du statut des suspects, ni du fait de l’identité des victimes.
Les manifestations se succèdent pour réclamer vérité, justice et dignité. Et pourtant. Le ministre de l’intérieur d’un gouvernement socialiste n’a « rien a
dire » sur ces morts, pas plus que sur les révoltes populaires qui ont traversé les banlieues d’Ile-de-France après le décès de Zyed Benna et Bouna Traoré il y a dix ans, ni sur les violences policières dont sont victimes les migrants de Calais. Pire, il retourne la charge contre ceux dont la critique ne peut qu’être « démagogique » et « indigne », « des théoriciens litaniques de violences policières », au nombre desquels il faudrait compter le défenseur des droits Jacques Toubon ou la Cour européenne des droits de l’Homme qui a condamné la France en 2014 pour la mort de Joseph Guerdner.
Et lorsqu’une enquête parlementaire sur le maintien de l’ordre est lancée après la mort de Rémi Fraisse, c’est à l’instauration d’une interdiction administrative de manifester qu’elle conclut.
Mais s’il est bien une absolue nécessité, c’est de mener la réflexion sur le rôle des structures de l’action policière au cours des manifestations comme dans les rues de nos villes, sur les rapports qu’elle produit entre les forces de l’ordre et les citoyens des quartiers populaires. Au delà de l’indispensable remise en cause législative de l’usage des bien mal nommées « armes à létalité réduite », l’institution judiciaire doit se confronter à l’accusation d’impunité qui lui est faite. Elle ne doit pas occulter le hiatus qu’elle entretient entre son traitement prompt des illégalismes populaires, au nombre desquels les près de 15 000 condamnations annuelles pour outrage et rébellion, et celui plus lent et semé d’embûches des infractions commises par des policiers. Penser les moyens d’une enquête indépendante, exhaustive et équitable pour tous afin d’être enfin en capacité d’établir la vérité – qu’elle accuse ou qu’elle disculpe – et de juger des actes qui minent le lien social.

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