Frontex : bras armé de la xénophobie de l’UE

ARTICLE PUBLIÉ DANS RACAILLES n°66 (printemps 2013)

Une vidéo de l’armée. Un camion rempli de militaires arrive à toute vitesse sur une route rocailleuse de montagne. Pas de doute, nous sommes sur un terrain de guerre. Le camion s’arrête, des hommes lourdement armés, casques lourds et camouflage, descendent et se mettent à couvert observant le terrain dans la lunette de leurs fusils. Soudain, le visage de l’ennemi armé apparaît, l’air rude, déterminé et sans pitié. Mais il ne s’agit en fait que d’un visage imprimé sur un vieux t-shirt porté par un homme exténué, la démarche hésitante, le visage marqué par la peur et la fatigue. C’est un « simple » migrant. Ils sont cinq, munis de sacs de fortune pour toute une vie. S’affiche alors le message : « L’Europe est en guerre contre un ennemi qu’elle s’invente. Loin de nos regards, contre une prétendue “invasion” de migrants, l’Union européenne investit des millions d’euros dans un dispositif quasi militaire : FRONTEX. Démesuré, opaque, dangereux ».

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L’image ne laisse pas indifférent. Elle résume surtout à elle seule la folie des autorités européennes et nos pays membres afin de contrer et empêcher les phénomènes migratoires, quitte à faire des milliers de morts aux frontières et piétiner le droit international. C’est contre cela qu’a été lancée fin mars une campagne baptisée FRONTEXIT (Frontex–exit) dont la vidéo fait la promotion. Elle est l’œuvre de 21 associations, des chercheurs et des individus issus de la société civile du Nord comme du Sud..

C’est quoi Frontex ?

Depuis maintenant plus d’une quinzaine d’années, les politiques migratoires européennes sont presque exclusivement sécuritaires : délivrance ultra-restrictive des visas ; construction de murs et de clôtures ; contrôle militarisé des frontières, des mers, des zones de transit ; sous-traitance du contrôle migratoire à des États peu démocratiques (comme la Libye d’hier ou les régimes dictatures africaines) ; lois toujours plus restrictives au séjour… L’acteur clé de ces politiques de fermeture, c’est Frontex, agence européenne conçue pour la gestion de la coopération aux frontières extérieures de l’UE. Créée en 2004 et basée à Varsovie, l’agence a un rôle majeur. En témoignent son budget annuel multiplié par 6 en 5 ans (19M € en 2006 ; 118M € en 2011), les moyens militaires mis à sa disposition par les États, et une autonomie grandissante. Frontex signe des accords avec des pays tiers, organise des vols de retour conjoints (12 en 2007, 39 en 2010 avec un coût unitaire de 100 000 à 300 000 €). Depuis 2011, l’agence peut également échanger des données personnelles avec l’agence européenne policière Europol et prendre l’initiative des opérations terrestres et maritimes. Selon les chiffres 2010, elle possède des bateaux et frégates (115), des avions (21), des hélicoptères (25) et près de 500 équipements de contrôle (caméras infrarouges et thermiques, radars, détecteurs de CO² et de battements cardiaques,…). Frontex développe actuellement un système de portiques biométriques généralisés d’ici 2015 à chaque frontière aéroportuaire et prévoit le déploiement de drones et de satellites.
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Et pourtant…

…la part des migrations internationales a très peu augmenté ces 50 dernières années (environ 85% des déplacements de population se faisant entre les pays du Sud). Sans oublier que de nombreux textes internationaux protègent les migrants contre toute violation de leurs droits fondamentaux, notamment le droit d’asile et le droit pour chacun de quitter tout pays, y compris le sien (articles 13 et 14 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme). De plus en plus les témoignages font pourtant état du non respect de ces textes, notamment par le refoulement en pleine mer. La règle numéro 1 est désormais d’empêcher les migrants d’atteindre le sol européen et donc de pouvoir demander leur accession au séjour, pire, à l’asile. Qui a ainsi vu les « hordes » de syriens arriver chez nous « vivre des allocs dont les bons Français n’ont même plus le droit » comme le font croire Marine Le Pen ou Manuel Valls ? Personne, étant donné qu’ils sont réfugiés dans les pays limitrophes au leur. Il en fut de même durant les révolutions arabes au Maghreb.
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Également à voir : carte interactive

Frontières-cimetières

Face à cela les migrants prennent de plus en plus de risques au péril de leur vie. L’ONG United tente depuis 1988 de constituer la base de données « Europe forteresse » comptabilisant les morts aux frontières. Et les chiffres parlent d’eux-même : plus de 14000 morts aux frontières de l’Europe depuis cette date ainsi que 4500 au large des Comores (tentant le passage vers le département français de Mayotte). Avec Frontex, l’Europe déploie donc des moyens disproportionnés pour combattre un ennemi qui n’en est pas un. Le tout sans aucune transparence. Peu de gens en ont d’ailleurs entendu parler… Quelles garanties l’agence présente-t-elle en termes de respect des droits des migrants ? Et qui est responsable en cas d’atteinte aux droits fondamentaux lors des opérations ? L’agence, l’État où se déroule l’opération ou encore l’État dont relèvent les gardes-frontières impliqués ? Autant de questions fondamentales que soulève la campagne Frontexit.
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Une campagne majeure pour les droits des migrants

L’objectif de Frontexit est double : informer un large public sur les dérives auxquelles donnent lieu les opérations de Frontex en terme de droits humains et dénoncer ces dérives auprès des représentants politiques directement impliqués. Plus concrètement, à travers nos actions d’investigation, de contentieux, de sensibilisation et d’interpellation politique, nous demandons :
• la transparence sur les mandats, les responsabilités et les actions de Frontex ;
• la suspension des activités de l’agence identifiées comme contraires aux droits humains ;
• l’annulation du règlement créant l’agence Frontex, s’il est démontré que son mandat est incompatible avec le respect des droits fondamentaux.

A retrouver sur : www.frontexit.org et sur la page Facebook.

Igmack Wassa Kwassa

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