souci de la vérité historique ou….

Bonjour, d’outre Pyrénées

Souci de la vérité historique ou œillères idéologiques ?

L’admirable Michel de Montaigne dont on ne dira jamais assez la finesse de pensée avançait il y a déjà fort longtemps une idée que Pascal lui reprit lorsqu’il affirma que « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Il y a cependant des vérités qui le demeurent de part et d’autre des frontières et il faut bien de mauvaise foi ou d’aveuglement idéologique pour les nier. Dans son édition de Janvier le Monde Diplomatique publiait un texte de F.Malverde où il était question de la « trahison » dont se serait rendu coupable Cipriano Mera en remettant Madrid aux mains du Général Franco.
Le moins que l’on puisse dire est que F. Malverde prend certaines libertés par rapport au respect des faits historiques car le fait même de parler de la trahison de Cipriano Mera renvoie très directement au registre des jugements de valeur et à une rhétorique de la disqualification que l’on trouve habituellement dans l’historiographie d’orientation stalinienne ou simplement philo-PC dès qu’il s’agit de parler de Mera.
Voyons donc quels sont les faits historiques qu’il faut déformer ou passer sous silence pour justifier la politique stalinienne pendant la guerre d’Espagne et calomnier Cipriano Mera, comme le fait Malverde.
Au début de 1939 l’issue de la guerre ne fait de doute pour personne. La
Catalogne est tombée aux mains des troupes franquistes en Janvier et Madrid se trouve assiégé. En février le général Vicente Rojo le chef de l’Etat-major de l’Armée Républicaine qui est passé en France après la chute de Barcelone, refuse de rentrer en Espagne. Le 27 février les gouvernements français et anglais reconnaissent officiellement le gouvernement de Franco. Ce même jour le Président de la République (Manuel Azaña) démissionne et n’est pas remplacé, le chef du gouvernement (Dr. Juan Negrín) parti lui aussi en France rentre en Espagne et publie le 2 Mars un décret qui promotionne un certain nombre de chefs militaires d’obédience communiste, ainsi par exemple, Enrique Lister est promu au grade de Colonel, Juan Modesto est élevé au grade de général. L’emprise du Parti Communiste sur ce qu’il reste de l’armée républicaine s’amplifie considérablement.
Dans ces conditions deux camps se dessinent, d’une part, ceux qui veulent prolonger une guerre dont ils savent pertinemment que la fin est pourtant inévitable et toute proche (le PC) et, d’autre part, ceux qui veulent y mettre fin au plus tôt (tous les autres secteurs, les socialistes, l’UGT, le mouvement libertaire, etc.).
Le 5 mars, le Colonel Casado communique à Negrín qu’il ne le reconnait plus comme chef du gouvernement et il nomme un Conseil National de Défense qui regroupe tous ceux qui sont partisans de trouver au plus tôt une issue á la guerre. Negrín lui propose une rencontre pour formaliser la passation de pouvoir mais Casado refuse et dès
le lendemain Negrín s’enfuit d’Espagne par avion. L’armée républicaine
compte avec quatre corps d’armée dans la zone qui entoure Madrid, trois
sont commandés par des officiers du PC, un est sous les ordres de Mera. Immédiatement les trois corps d’armée communistes se lancent contre les forces de Casado mais la division commandée par Mera leur fait face et après quelques jours de lutte les combats s’achèvent le 10 mars par la victoire des forces dirigées par Mera. Résultat, le PC n’a pas réussi à prendre le pouvoir politique à Madrid, le 28 mars Madrid rend les armes et la guerre s’achève.
Que devait faire Mera ? Se ranger sous les ordres du PC ? Il est qualifié de
traitre pour ne pas l’avoir fait, et avoir appuyé l’option prise par
l’ensemble des forces de gauches á l’exception du PC. Curieusement ceux
qui voulaient continuer la guerre à tout prix n’attendent même pas la fin
des combats de Madrid entre les forces aux ordres du PC et celles de Mera
pour s’enfuir d’Espagne: la “Pasionaria” quitte l’Espagne le 6 mars
quelques heures avant que ne le fasse Negrín, le fameux lieutenant-colonel Lister quitte l’Espagne le 8 mars en compagnie d’autres dirigeants communistes.
La question qui demeure est de savoir pourquoi les dirigeants communistes voulaient prolonger la guerre de quelques semaines et prendre le pouvoir politique á Madrid. Une
réponse plausible est qu’ils voulaient être en position d’être les
négociateurs de la terminaison de la guerre en essayant d’obtenir des
contreparties favorables aux intérêts de l’URSS…. Qu’un simple maçon,
devenu chef militaire pendant une courte période de sa vie, les en ait empêché
explique peut-être leur hargne contre lui…..

Tomás Ibañez

Barcelone Janvier 2013

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